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 d’ADHEOS

En France, une femme sur dix est victime des violences de son conjoint. Ce qu’on dit moins c’est que les femmes aussi peuvent être violentes, même envers leurs partenaires féminines. Pour TÊTUE, des lesbiennes témoignent.
 
Les violences au sein des couples lesbiens: un sujet tabou, mal connu, voire une réalité à taire pour éviter de renforcer les stéréotypes négatifs à l’encontre de la communauté. D’autant plus que les mythes de la femme naturellement tendre et du couple lesbien parfaitement égalitaire ont la vie dure. Pourtant, les violences conjugales touchent aussi les couples de femmes.
 
Elodie raconte: «Cela faisait trois mois que nous étions ensemble quand, au cours d’une dispute, elle m’a tiré les cheveux et m’a jeté à terre. A chaque fois, elle me serrait les poignets et m’empêchait de partir. J’avais ensuite droit aux claques, coups de pieds, coups de poings. Elle m’a même ouvert la lèvre une fois». Pour Laura, cela se manifestait autrement: «elle m’insultait, me rabaissait, m’ignorait. C’était surtout sa façon de me manipuler, de se servir de mes faiblesses pour prendre le dessus qui était dure».
 
Humiliations, coups, chantage
Menaces d’outing, moqueries, humiliations, coups, contrôle économique, chantage, objets qui volent… Autant de moyens d’affirmer sa domination, d’intimider et de faire peur à sa conjointe. Selon Noémie, «on a tendance à croire que si une personne est violente ça se voit, qu’elle est masculine, costaud, qu’elle a des problèmes. Ce n’est pas forcément le cas».
 
Face à ces non-dits, Noémie a décidé de réaliser un court métrage, qui sera intitulé Agathe et Lou, consacré à la violence dans le couple lesbien. Pour mener à bien son projet, elle et son équipe ont lancé un appel à don… dont l’objectif a été atteint à 140%! La thématique a visiblement rassemblé.
 
Tu ne te sens pas légitime comme victime»
La question de la brutalité conjugale entre femmes est d’autant moins abordée qu’elle n’est pas toujours identifiée. «Il y a un fossé entre ce que tu vis et ce que tu perçois, explique Noémie. Quand il n’y a pas de trace, tu ne peux rien prouver, mais surtout tu ne te sens pas légitime comme victime. J’avais l’impression que ma situation n’était pas si grave». Souvent plus que la peur, la culpabilité et la honte sont aussi des freins à la parole.
 
Les victimes décrivent généralement un schéma cyclique. Après l’escalade de la tension ou une explosion soudaine de la violence, vient une période d’accalmie et d’excuses. «La violence allait crescendo, comme un test des limites à ne pas dépasser. Elle s’arrêtait souvent par épuisement. Il n’y avait pas de déclencheur particulier, se souvient Aurélie. Sauf si on n’allait pas dans son sens». Noémie aussi se rappelle que «tout était compliqué. Un rien l’agaçait et la contrariait. Cela pouvait dégénérer n’importe quand». 
 
Quand la violence attire la violence
Vanessa Watremez, sociologue et militante de l’association Air Libre, qui lutte contre la violence conjugale chez les lesbiennes, constate que l’auteure des violences à tendance à se déresponsabiliser et justifier son comportement, souvent en en imputant la responsabilité à sa compagne. Lors de la phase de «lune de miel», elle redevient ensuite attentionnée et protectrice et promet que cela va cesser. Aurélie se remémore ses sensations: «le lendemain c’était un ange. Ça faisait tellement du bien de la voir comme ça que je pardonnais. J’aurai dû partir mais tu te raccroches toujours à une lueur d’espoir, tu trouves des excuses».
 
Si la plupart de nos témoins ont confié avoir perdu toute estime d’elle-même face à cette spirale déstabilisante, à chacune sa manière de réagir. Aurélie a eu tendance à minimiser la situation et à l’assimiler à une relation plus compliquée que violente. Elles sont nombreuses aussi à faire profil bas et surveiller le moindre de leurs gestes pour ne pas attiser la colère de leur copine. Parfois la violence attire même la violence. Laura l’a vécu: «lorsque j’étais à bout, que je me sentais perdre pied, que les mots, les gestes et les larmes s’avéraient inutiles, ma seule échappatoire était la violence… contres les murs, elle, moi».
 
«Je risquais de couler avec elle»
Le plus difficile reste de mettre un terme au cercle vicieux et de se reconstruire. Dans beaucoup de cas, la rupture intervient après «la goutte d’eau». Ainsi Aurélie est restée «jusqu’à temps que je réalise que je risquais de couler avec elle» puis a repris progressivement le contrôle de sa vie.
 
D’après le CRIPS, les services sociaux ou de santé restent peu sollicités par les lesbiennes, qui ne se sentent pas concernées ou craignent des réactions lesbophobes. Noémie, qui cherchent toujours à comprendre le pourquoi du comment, n’a jamais osé appeler. «Dans les campagnes de préventions, il n’y a que des références aux relations hétéro». Et pour que des structures et réponses adaptées aux cas spécifiques des femmes homos puissent être apportées, il convient de briser le silence.