NEWS
Les actualités
 d’ADHEOS

Environ 150 manifestant·es, pour la plupart des étudiant·es, ont interrompu mardi dernier la conférence de l’avocat britannique Robert Wintemute intitulée « Le débat du sexe vs l’identité de genre au Royaume-Uni et le divorce entre LGB [lesbienne-gai-bisexuel] et T [transgenre] ». L’événement était organisé par le Centre pour les droits humains et le pluralisme juridique et la Faculté de droit de McGill.

Albertain d’origine et diplômé de McGill, Robert Wintemute est professeur de droit au King’s College à Londres. Mais c’est surtout en tant qu’administrateur de la LGB Alliance qu’il était l’invité de McGill. La LGB Alliance est une association britannique se revendiquant en faveur des droits des femmes lesbiennes, des hommes gais et des personnes bisexuelles, mais qui rejette l’idée qu’une personne puisse changer son identité de genre ou s’identifier comme non-binaire.

Cette Alliance « rejette la coalition politique entre LGB et T et conteste certaines revendications transgenres », pouvait-on lire sur la page Web annonçant l’événement. Ce mouvement a beaucoup fait parler de lui au Royaume-Unis depuis un an car il milite contre la possibilité pour les personnes trans de changer légalement leur sexe et d’accéder à certains espaces, par exemple dans les sports. Depuis près d’un an, Wintemute a été un peu partout en Europe pour discuter de cette position qui est perçue comme une remise en question des acquis récents par la communauté transgenre.

D’ailleurs, les manifestant·e·s considèrent que l’invitation donnée à Robert Wintemute par la Faculté de droit de McGill constitue une atteinte à leur dignité. « My rights are not up for debate [mes droits ne sont pas à débattre] », pouvait-on lire sur plusieurs affiches.

« On n’inviterait jamais un suprémaciste blanc à donner une conférence, alors pourquoi inviter un transphobe? » a lancé une étudiante à l’UQAM, durant la manifestation.

Des échanges tendus ont eu lieu entre la foule et certaines personnes venues participer au débat et qui étaient déterminées à entrer dans la salle. Une de ces dernières portait un chandail où était inscrit J’aime JK Rowling – en référence à l’écrivaine britannique dont les propos transphobes ont semé la controverse –, ce qui lui a valu les foudres de certains manifestants.es qui ont vu la conférence comme une tentative de division de la communauté LGBTQ+.

« C’est très inapproprié que McGill donne une plateforme à ce discours de haine […] qui menace le sentiment de sécurité des étudiant·es et des employé·es trans », considère Celeste Trianon, juriste trans et responsable de la Clinique d’identité trans du Québec, à l’origine de la manifestation. « L’homophobie et la transphobie sont deux côtés de la même médaille – on ne peut pas séparer la transidentité du reste de l’arc-en-ciel. »

Robert Leckey, doyen de la Faculté de droit de McGill, avait fait parvenir une lettre aux membres de la Faculté la veille de l’événement, dans laquelle il défendait la tenue de la conférence. Il y soulignait le détachement de sa faculté avec les prises de position des personnes invitées. «Les courriels et les discussions à ce sujet au cours des derniers jours m’ont rappelé que les principes que McGill adopte dans l’accomplissement de sa mission – liberté académique, intégrité, responsabilité, équité et inclusivité – semblent parfois être en tension, disait-il. Une institution universitaire n’approuve pas toutes les opinions de chaque orateur qu’elle accueille.»

Robert Leckey affirmait son engagement à «soutenir la Faculté de droit en tant que lieu inclusif». «Nous pouvons apprendre au cours du processus, notamment en affinant l’articulation de nos points de vue. Je vous écris pour affirmer mon engagement à soutenir la Faculté de droit en tant que lieu inclusif où des personnes aux identités et expériences diverses peuvent apprendre ensemble et s’épanouir, ainsi qu’un lieu où nous pouvons entendre et critiquer des points de vue avec lesquels nous sommes en désaccord avec véhémence. Je m’attends à des réponses robustes [aux] arguments [de Robert Wintemute]. Je considère que ce genre d’engagement est plus en phase avec la mission de l’université que l’annulation de l’événement. »

Devant le nombre de manifestant.e.s, la conférence n’a finalement pas eu lieu.

SOURCE : fugues