Docteur en sciences humaines, imam de la 1ère mosquée inclusive d’Europe, il sera ce lundi soir en débat à Marseille.
Ludovic-Mohamed Zahed participera ce soir* à une rencontre avec Karine Espineira, chercheuse à l’Université de Nice et co-responsable de l’Observatoire des transidentités, Sarah Saby et Philippe Murcia co-présidents du collectif Idem. Franco-algérien, imam, il est homosexuel et marié.
Vous affirmez que la répression de l’homosexualité dans le monde arabo-musulman attribuée à l’Islam est plutôt un héritage de la colonisation. Pourquoi ?
De nombreuses études post-coloniales démontrent une césure dans la façon dont les sociétés arabo-musulmanes se représentaient le corps et les identités sexuelles à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. La période correspond aux conquêtes coloniales et à l’effondrement de l’empire ottoman. On retrouve dans les textes le regard puritain porté par les occidentaux sur des maghrébins qui seraient « par nature indolents et bisexuels ». La publication au Caire d’une version des Milles et une nuits en 1930 censurée dans tous ses passages évoquant la sexualité des femmes et l’homosexualité témoigne de ce puritanisme colonial. Dans le même temps la colonisation fait émerger en réaction, un nationalisme arabe qui véhicule l’idée fascisante d’un peuple uniforme. Ce n’est pas propre à l’Islam, c’est un mécanisme décrit par Serge Moscovici, une référence en matière de psychologie sociale, et qui conduit un groupe qui se sent menacé à renforcer les barrières qui l’entourent puis à définir une minorité en son sein comme bouc-émissaire. à partir du moment où cette minorité est infra-humanisée, toutes les violences, jusqu’au génocide, sont légitimées.
Comment analysez-vous néanmoins l’utilisation de la religion musulmane pour dénoncer l’homosexualité ?
Il est nécessaire de déconstruire les représentations. L’Islam ne réprime pas l’homosexualité. Certains veulent faire de l’Islam un outil de contrôle et non pas un outil d’émancipation et de spiritualité comme l’affirme Amina Wadud, professeur d’études islamiques aux États-Unis. Lorsque le grand imam de la mosquée d’Al Azar, censé faire référence dans le monde musulman, passe en quelques jours d’un soutien aux frères musulmans à un soutien au régime d’Al Sissi, c’est -au-delà de la question de l’homosexualité- un alignement du religieux sur le pouvoir. Quand en France, certains imams fascisants prétendent décider de ceux qui ont le droit ou non de se marier, ils se calquent sur l’église catholique alors que l’Islam est une religion profondément décentralisée où il n’y a pas de clergé. Il n’y a pas de M. Islam à qui on peut téléphoner, l’Islam ce sont les musulmans, l’Islam c’est nous.
On vous présente comme l’imam de la première mosquée inclusive d’Europe, qu’est-ce que cela signifie ?
Nous l’avons fondée en 2012 car nous étions de plus en plus sollicités par des personnes LGBT de confession musulmane, désireuses notamment que l’on réalise la prière pour l’absent, pour le mort. à ce moment-là, le thème Islam et homosexualité commençait à émerger dans le débat public. En parallèle, une association dont j’étais le fondateur s’est structurée à Paris, Lyon, Marseille et Lille. Nous avons pris nos responsabilités. Parce que j’ai fait 5 ans d’études de théologie et que je suis homosexuel, j’ai été mis en avant. Mais j’ai refusé d’être le seul imam, nous sommes tous responsables de nos communautés. C’est aussi moins dangereux car je ne suis pas le seul à être exposé. Cet Islam inclusif, c’est-à-dire qui n’exclut personne, prend son essor en Europe depuis la France, en Afrique du Sud et en Amérique du Nord.
- SOURCE LA MARSEILLAISE