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 d’ADHEOS

Les résultats de l’étude Ipergay montrent que le Truvada, un cocktail d’antirétroviraux mis au point par un laboratoire américain, réduit les risques d’infection par le virus du sida chez les hommes homosexuels. Une bonne nouvelle ? Pas tant que ça.
 
Depuis le 23 février, les principaux organes de recherche sur le sida sont réunis à Seattle pour la Conférence sur les rétrovirus et infections opportunistes (Croi). Et la star de cette conférence, c’est le Truvada, un cocktail d’antirétroviraux mis au point par le laboratoire américain Gilead Sciences. Cette combinaison de ténofovir et d’emtricitabine, utilisée jusqu’à présent comme traitement de l’infection, serait aussi efficace comme traitement préventif : trois études distinctes menées sur des groupes d’hommes homosexuels n’utilisant pas de préservatifs montrent que la prise du médicament, qu’elle soit quotidienne ou à la demande, permet de réduire de 86 % le risque d’infection par le virus du sida, le VIH.
 
Les épidémiologistes sont enthousiastes. "Ces résultats sont très encourageants. Ils montrent que la prophylaxie avant exposition peut être réellement efficace et prévenir l’infection au VIH dans des situations du ‘monde réel’", commente dans le Guardian Sheena McCormack, professeur d’épidémiologie clinique au University College de Londres et l’une des responsables de l’étude britannique Proud. Ce médicament pourrait être une solution utile pour les populations masculines à haut risque, qui pourraient le prendre de façon régulière, renchérit Richard Gilson, un autre responsable de l’étude.
 
Des arguments financiers autant qu’éthiques
 
Quid de la prévention ? Elle ne fonctionne pas et le taux d’infection chez les gays est toujours élevé, rétorque-t-il. Richard Gilson plaide pour que le NHS [les autorités de santé britanniques] considère le Truvada comme une solution préventive efficace et finalement peu coûteuse : le traitement coûte 360 livres par personne et par mois (480 euros), argumente-t-il. Soit entre 100 000 et 200 000 livres par personne sur une vie entière. Pour une population à haut risque estimée entre 10 000 et 15 000 personnes. Or, actuellement, le traitement d’une personne infectée coûte en moyenne 19 millions de livres (25 millions d’euros). Un argument financier tout aussi clair que l’argument éthique, estime-t-il.
 
Une bonne nouvelle, certes, mais qui ne cesse d’inquiéter d’autres acteurs de la lutte contre le sida, qui y voient la ruine de toutes les campagnes pour le port du préservatif. Alors que l’on attendait encore les résultats de l’étude, en novembre dernier, Michael Weinstein, président de la AIDS Healthcare Foundation de Los Angeles, dénonçait "un désastre de santé publique en gestation". "Les hommes préfèrent les rapports sexuels sans préservatifs. C’est un fait. Et si vous leur donnez un blanc-seing, ils vont l’utiliser. Ceux qui se protègent aujourd’hui pourraient cesser de porter des préservatifs", rapportait le Toronto Star. Un discours qui lui a valu la vindicte de nombreuses associations.
 
Un problème d’accès aux soins
 
De fait, au-delà des prises de risques que peut susciter l’utilisation de cette pilule, le débat reste empreint de références morales, rappelait Newsweek en octobre dernier. "Certains critiquent les ‘putes à Truvada’, qui ne veulent la pilule que parce qu’elles les autorisent à pratiquer de manière sûre le sexe sans protection. D’autres redoutent l’émergence de nouvelles souches de VIH plus résistantes aux antirétroviraux. D’autres encore prédisent l’abandon pur et simple du préservatif, avec le risque d’une nouvelle ‘peste gay’, comme dans les années 1980."
 
De fait, le Truvada est déjà utilisé depuis 2004 aux Etats-Unis dans le traitement des personnes séropositives, rappelle The Atlantic. Et il est approuvé depuis 2012 dans ce pays comme médicament préventif contre l’infection. Le nombre de nouvelles infections au VIH s’est stabilisé autour de 50 000 cas par an, selon le CDC, le centre pour le contrôle des maladies aux Etats-Unis. Mais cette incidence continue à augmenter chez les hommes gays et bisexuels, souligne le journal. En particulier chez les hommes noirs gays ou bisexuels âgés de 13 à 19 ans. Or le Truvada n’est accessible qu’aux individus de plus de 18 ans et coûte 1 500 dollars par mois (1 334 euros) aux Etats-Unis. Le médicament préventif rate donc sa cible, constate The Atlantic.