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 d’ADHEOS

Une campagne pour exiger son départ, des critiques acerbes de représentants religieux: l’ambassadeur des Etats-Unis en République dominicaine, qui affiche ouvertement son homosexualité, est la cible d’attaques violentes dans cette société conservatrice.
Avant même de prendre ses fonctions fin 2013, James W. Brewster (à gauche sur la photo) avait déjà déclenché une polémique en annonçant sa prochaine arrivée dans une vidéo sur le compte Youtube de l’ambassade… aux côtés de son mari, Bob Satawake (à droite sur la photo), qu’il venait d’épouser.
 
Mais ces dernières semaines, c’est une photo qui a exacerbé le rejet des Eglises catholique et évangélique dans le pays caribéen: on y voit l’ambassadeur, par ailleurs administrateur d’entreprises de 55 ans, et son conjoint en train de discuter dans une école avec une quinzaine d’enfants.
 
Immédiatement, la Conférence de l’épiscopat dominicain (CED) a exigé au président Danilo Medina de protester auprès de la Maison blanche, accusant le diplomate d’avoir "outrepassé" ses fonctions et de "violer les lois internes" au pays.
 
Le ministère des Affaires étrangères n’a pas encore répondu à cette demande, "un sujet délicat" pour le gouvernement, reconnaît Roberto Rodriguez, porte-parole de M. Medina, actuellementen pleine campagne pour les élections générales du 15 mai.
 
Le CED et le Conseil dominicain de l’unité évangélique accusent James Brewster de promouvoir les unions homosexuelles lors de visites scolaires, et de forcer une ouverture de cette société sur cette question.
 
"Nous ne rejetons pas la personne, mais le fait qu’elle puisse avoir une influence avec un comportement négatif, comme n’importe quel délinquant", explique à l’AFP le prêtre Carmelo Santana, secrétaire de la CED.
 
"Nous savons qu’il profite de cette opportunité pour promouvoir cette conduite", l’homosexualité, affirme-t-il. L’ambassadeur se défend de tout prosélytisme, rappelant qu’"une personne naît homosexuelle, elle ne le devient pas".
 
"Bob et moi, nous n’allons pas nous cacher dans un placard, car nous sommes fiers de ce que nous sommes", dit-il.
 
James W. Brewster assure que, lors de ses visites dans des écoles en compagnie de son mari, la conversation a tourné autour des Nations unies, de la pauvreté et de l’éducation.
 
Et tout comme il le faisait aux Etats-Unis, ce membre du Parti démocrate défend aussi ses droits: il a soutenu les marches pour la fierté homosexuelle ainsi que la création en février d’une chambre de commerce LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels), avec des fonds de l’Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID). Mais cet engagement passe mal en République dominicaine, où un sondage de CIES International a révélé que près de huit habitants sur dix (78,7%) s’opposent à ses visites dans des écoles.
 
La société dominicaine est "extrêmement conservatrice", souligne le sociologue et professeur d’université Candido Mercedes: "Nous sommes une des sociétés d’Amérique latine dont le conservatisme a le plus augmenté". Un rapport publié fin décembre par Human Rights First, organisation américaine de défense des droits de l’homme, a dénoncé "la violence systématique et les discriminations à l’encontre des Dominicains LGBT". Mais il a aussi noté des motifs d’"espoir".
 
"L’arrivée en 2013 de l’ambassadeur américain James Brewster, ouvertement gay, a ouvert le dialogue" et "augmenté la visibilité de la communauté LGBT", même si elle a aussi donné l’occasion à certains responsables religieux de "s’exprimer contre" cette communauté.
 
L’Eglise évangélique, soutenue par son homologue catholique, cherche ainsi à rassembler des signatures via internet pour demander à Barack Obama de rappeler son ambassadeur. Elle a jusqu’ici eu peu de succès, affichant jeudi 33.513 signatures, alors que son objectif était de 100.000.
 
Pour le militant LGBT Deivis Ventura, "ce qui dérange les groupes conservateurs", c’est "l’arrivée d’un ambassadeur américain transparent (sur ses orientations sexuelles, ndlr) et qui a du pouvoir". La présence de son mari est aussi jugée encombrante par les milieux religieux.
 
"Ce monsieur, qu’il aille dans son ambassade et, comme épouse de ce monsieur, qu’il s’occupe de la maison", a raillé le cardinal Nicolas de Jesus Lopez, archevêque de Saint-Domingue