Les uns sont exclus du mariage, les autres du Partenariat civil. Pour une seule et même union, huit couples britanniques – homos et hétéros – ont déposé hier une plainte devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) de Strasbourg.
Homos, hétéros, tous victimes d’un système discriminatoire au Royaume-Uni. C’est ce qu’estiment huit couples – quatre hétéros et quatre homos – qui ont entamé hier une procédure conjointe devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH). Car de l’autre côté de la Manche, si le mariage est interdit aux homos, le partenariat civil leur est par contre réservé, et n’est pas ouvert aux hétéros contrairement au Pacs. La campagne Equal Love, lancée par l’association OutRage, a donc décidé de mettre fin à cette double discrimination
«Apartheid sexuel»
«En excluant les couples de même sexe du mariage et les couples de sexes différents du partenariat civil, le gouvernement britannique se rend coupable de discrimination pour des motifs liés à l’orientation sexuelle, ce qui est contraire aux Droits de l’homme», explique le professeur Robert Wintemute, avocat des huit couples.
Chaque semaine, depuis le début du mois de novembre, dans quatre villes d’Angleterre, un couple a déposé une demande de mariage – pour les homos – ou de partenariat civil – pour les hétéros. Chacun a vu sa demande rejetée. Ce sont sur ces documents qu’Equal Love se basent pour dénoncer cet «apartheid sexuel» selon les mots de Peter Thatchell, le coordinateur de la campagne.
«Séparés mais égaux»
Il y six mois, la CEDH a pourtant rejeté le dossier d’un couple autrichien qui estimait que l’interdiction qu’ils avaient de se marier dans leur pays était une atteinte aux Droits de l’homme. La Cour de Strasbourg a estimé que rien, légalement, ne pouvait contraindre un pays à ouvrir le mariage aux homosexuels. Une décision qui ne douche pas l’optimisme de Robert Wintemute. Selon lui, cette déclaration ne vaut que pour les pays dans lesquels le mariage ne donne pas les mêmes droits qu’un contrat civil. Or, au Royaume-Uni, la différence entre les deux unions ne tient que dans la dénomination. «La loi britannique a mis en place un système de ségrégation en créant deux institutions distinctes mais identiques pour les homos et les hétéros. Cette idée de "séparés mais égaux" viole la Convention des Droits de l’homme», explique-t-il.
Mais puisque les droits sont les mêmes, quel intérêt ont les requérants à déposer cette plainte ? «L’unique fonction de cette double interdiction est de placer les gays et les lesbiennes dans une situation sociale et légale inférieure aux hétérosexuelles», explique Robert Wintemute. Mais ce n’est pas uniquement par solidarité avec les homos que les quatre couples hétéros ont pris part à cette campagne. «Nous voulons une reconnaissance légale de notre relation, explique Lucy Hilken qui a vu sa demande rejetée par la mairie d’Aldershot. Et nous préférons un partenariat civil parce que ce contrat ne porte pas le poids des traditions et l’image négative du mariage.» Un argument qui parle aux Français puisque 95% des Pacs sont contractés par des hétéros !
Pas pour demain
Equal Love se prépare aujourd’hui à une attente longue et difficile. La procédure pourrait durer jusqu’à 3 ans. Mais Peter Thatchell n’abandonne pas l’espoir que le gouvernement puisse changer d’avis de lui-même, avant la décision de la CEDH. La plupart des hommes politiques de tout bord, ainsi que 61% des Britanniques, sont favorables au mariage pour les homos. Il n’y a en revanche pas d’étude sur le nombre de supporters du partenariat civil pour les hétéros. Mais déjà en 2011, les choses vont changer. Les cérémonies homos pourront se tenir dans certains lieux de cultes, se rapprochant ainsi un peu plus des formes du mariage, mais toujours sans en prendre le nom.