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 d’ADHEOS

Dans un formulaire, la préfecture de police demande à ses agents de juger la moralité des patrons de bar et de leur clientèle.
 
Le formulaire fleure bon la brigade mondaine des années 1920, au temps où la police surveillait les moeurs du Tout-Paris noctambule. Curieuse initiative que ce document interne à la préfecture de police que nous nous sommes procuré. Rempli par les commissariats de quartier, il passe au gril chaque établissement de nuit : entre autres informations, les policiers sont invités à juger la « moralité » du « tenancier » mais aussi le profil « médiocre », « mauvais » ou « sans observation » de sa clientèle.
 
Des appréciations qui apparaissent par ailleurs parfaitement subjectives puisqu’aucun critère permettant de juger cette « bonne tenue » ne figure sur l’imprimé.
 
Le formulaire émane du bureau de la police sanitaire et de l’environnement, lui-même dépendant de la Direction des transports et de la protection du public. C’est dans ce service que sont traitées les autorisations d’ouverture de nuit : lorsqu’un établissement parisien effectue une demande pour rester ouvert au-delà de 2 heures, le bureau transmet cet imprimé au commissariat le plus proche. Les policiers remplissent alors la fiche en toute liberté, et la renvoient à la préfecture de police qui s’appuie sur ce document, entre autres éléments, pour délivrer un avis favorable ou défavorable à la requête.
 
« Moralité » du « tenancier » : « mauvaise », « médiocre » ?
 
En premier lieu, les fonctionnaires s’intéressent à l’identité de l’exploitant : nom, prénom, adresse, date et lieu de naissance. Rien que de très banal. C’est la suite du document qui surprend. Dans la partie « profil de l’établissement », les policiers doivent renseigner la présence de prostituées et de travestis à l’intérieur mais aussi « à proximité » de l’établissement. Si le recensement d’activités de prostitution, réglementées par la loi, peut paraître légitime, celui qui consiste à repérer des travestis est déjà plus douteux. De même, la nécessité de déterminer la présence d’« hôtesses » — sans que l’on sache ici véritablement ce que recouvre ce terme — étonne.
 
La suite est plus polémique encore. L’agent doit juger la « moralité » du « tenancier », un terme ancien qui désignait jadis les gérants… de maisons closes. Pour le policier, trois possibilités seulement : « mauvaise », « médiocre » ou « sans observation ». Plus bas, c’est le profil de la clientèle qui est visé, avec les trois mêmes choix, sans qu’aucune option de « cordialité » ou de « bienséance » ne soit proposée. Mais quels sont les critères qui permettent de ranger les noctambules dans de telles cases ? Et surtout que deviennent ces informations ? A aucun moment le document ne répond à ces questions.
 
Contactée, la préfecture de police n’était hier « pas en mesure d’apporter des observations précises sur ce document ». Elle rappelle toutefois que les autorisations d’ouverture de nuit font l’objet d’un examen précis de la situation de chaque établissement pour prévenir les troubles à l’ordre public.