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 d’ADHEOS

 Difficile d’assumer son homosexualité dans ce pays d’Afrique de l’Ouest. C’est le propos de ce court-métrage, que la réalisatrice diffuse sur internet faute de soutien pour mieux le distribuer. Elle nous raconte son parcours semé d’embuches
 
 Lorsqu’Abdou revient au Burkina Faso après une longue absence, il porte un top et un jean moulants, des bijoux, du maquillage, du vernis à ongles… Ce qui rend fou de rage son père, qui est imam. Zi-Yaanbo («se donner un surplus de liberté», en mooré), sous-titré Le retour d’Abdou, est le premier film de Sophie Kaboré. Elle veut montrer à travers ce court-métrage la difficulté d’être gay dans ce pays d’Afrique de l’Ouest.

 
 
Pour le réaliser, cette réalisatrice autodidacte de 29 ans installée à Ouagadougou, la capitale burkinabè, a pris elle-même un risque. Faute de financement, le court-métrage n’est diffusé que sur Dailymotion et YouTube, en attendant de trouver des moyens supplémentaires. Elle raconte à TÊTU ses difficultés pour monter son film et faire connaître le calvaire de ses compatriotes homosexuels. Car si elle n’est pas pénalement réprimée, l’homosexualité est très stigmatisée au Burkina Faso, comme on le voit dans son film.
 
Comment est né Zi-Yaanbo?
 
Sophie Kaboré, réalisatrice: J’ai connu mon acteur principal, qui est un vrai gay, dans un salon esthétique où je me coiffais, et où il y avait un autre gay. Je suis souvent retournée dans ce salon et on est vite devenus de grands amis. J’ai connu des amis à eux et, comme je ne savais rien de l’homosexualité, je leur ai posé toutes les questions qui me passaient par la tête. Et un jour, en plaisantant, je leur ai demandé s’ils accepteraient de jouer dans un film sur les gays, et ils étaient tous excités à cette idée!
 
Vous avez pris un risque en traitant de l’homosexualité…
Les cinéastes africains sont contraints dans le choix de leurs thèmes par les financements. Mais je ne voulais pas de ça. Ceci dit, mon film n’est pas un défi, j’ai juste pris un risque. Parce que j’adore les histoires d’amour, et que l’amour entre homosexuels vaut n’importe quel amour.
 
Votre film vous a valu de nombreux problèmes. Lesquels?

 
Il y a eu beaucoup de rumeurs. Par exemple, peut-être parce que j’ai rencontré des lesbiennes pour mes recherches, beaucoup prétendent que je sors avec des femmes. Et comme je suis toujours en compagnie de mes amis gays, mon copain ne sait plus qui je suis. Du jour au lendemain, j’ai aussi perdu le soutien de certains de mes proches. Ma vie est devenue pénible, et pleine de larmes. Je ne sais plus où j’en suis, ni comment surmonter tout ce qui m’arrive. J’ai honte d’être devenue l’ombre de moi-même.
 
Avez-vous déjà songé à tout abandonner?
Je n’abandonnerai pas pour faire plaisir à qui que ce soit! Même entendre que ce film pouvait peut-être me fermer les portes du cinéma ne m’a pas fait renoncer. Je suis prête à me battre pour mon film, mais j’ai peur, si peur que ça n’aboutisse pas!
 
Vos amis gays vous soutiennent-ils dans cette épreuve?
Mes amis gays sont tous des étrangers. Ils me soutiennent surtout dans mes recherches. Mes frères gays burkinabès sont gênés en ma présence, ils ont même peur. Ils me conseillent de quitter le pays pour tout reprendre à zéro. Ils m’effraient parfois quand ils me disent que je ne sais que je suis en train de jouer avec le feu.
 
Avez-vous d’autres projets concernant l’homosexualité?
J’ai entrepris un projet de documentaire sur les homosexuels vivant avec le VIH/sida. Certaines institutions ont prétendu qu’elles me soutiendraient si c’était en rapport avec la santé mais j’ai déposé près de cinquante dossiers et, jusque-là, rien que des promesses…