Le «off» d’une interview donnée à «Libération» laisse planer le doute quant à la détermination sans faille du candidat François Hollande à s’engager fortement, une fois élu, pour l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples homos. Ce dernier est revenu sur ses déclarations
À quelques jours du premier tour de la primaire socialiste, la tension monte d’un cran entre les deux favoris, François Hollande et Martine Aubry, y compris sur les questions LGBT. C’est ainsi que François Hollande déclara lundi dans les locaux de Libération à propos de l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe: «Attention, ce ne sera pas si simple de faire passer ces textes.» Non publiée dans l’édition papier du quotidien, cette remarque fut immédiatement tweetée par la journaliste politique Laure Bretton et suscite depuis de nombreuses réactions sur le web. Devant les journalistes de Libération, François Hollande aurait également évoqué un nécessaire «changement de mentalité» des Français pour faire passer ces mesures.
Rétropédalage
Anne Hidalgo, première adjointe de Bertrand Delanoë et porte-parole de Martine Aubry pour la primaire, fut la première à réagir: «Avec de la volonté politique, un Sénat à gauche et une opinion publique favorable, où seraient les blocages?», interrogeait-elle sur Twitter. Face au début de polémique, François Hollande vient de préciser sur Yagg.com, sous forme de rétropédalage, que l’ouverture du mariage aux couples de même sexe fera partie des textes adoptés dès le début de la législature en cas de victoire de la gauche à la présidentielle.
Martine Aubry et François Hollande se sont longuement exprimés sur ces sujets dans le numéro de TÊTU actuellement en kiosques. Les deux favoris s’y déclarent favorables à l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe, ainsi qu’à la PMA (Procréation médicale assistée). Mais Martine Aubry semble être plus offensive en affirmant alors très clairement sa volonté de faire des revendications LGBT l’une de ses priorités en cas de victoire à l’élection présidentielle: «Les droits des femmes comme les droits des homosexuels seront toujours remis en cause dans des périodes difficiles. Il faudra donc rester vigilants, même si la société avance à grand pas. Je défendrai ces thèmes durant la campagne, et si je suis élue, je les engagerai d’une manière déterminée, dès la première année.»
Quand Hollande dénonce le retard des élites
De son côté, François Hollande, dans son interview à TÊTU, ne donne pas plus de précisions quant au calendrier, mais rappelle justement que sur le sujet «les élites sont en retard». Avec un rappel historique: «Pardon de cette comparaison qu’il faut relativiser: il était plus courageux pour François Mitterrand avant 1981 de dire qu’il était pour l’abolition de la peine de mort alors que la majorité des Français y était opposée. Il est plus simple aujourd’hui pour un candidat à la présidence de la République d’être favorable au mariage homosexuel car l’opinion y est dans l’ensemble acquise.» François Hollande serait-il adepte de la contradiction?
Quoi qu’il en soit, les deux favoris n’abordent décidément pas de la même manière la campagne à la primaire. Si Aubry aime travailler à fond les dossiers et cibler ses messages, François Hollande se plait à enfiler le costume présidentiel au risque de rester dans un certain flou. Exemple avec la lutte contre l’homopobie. A TÊTU, Hollande déclare: «Il faut sanctionner les comportements homophobes, mais aussi informer les parents» Martine Aubry n’hésite pas elle à faire des déclarations concrètes: «Je trouvais que la Halde était un bon outil, car la publicité faite sur les sanctions était importante. Ensuite, les éducateurs doivent pouvoir répondre en cas d’actes homophobes, et expliquer. J’ai été intéressée par l’initiative belge de diffuser aux enseignants une mallette de lutte contre l’homophobie.»
Montebourg d’abord sur l’économie et le social
Sur les droits des trans, Martine Aubry est aussi la seule à faire les propositions les plus précises, souhaitant faciliter le changement d’état civil, trouver les moyens humains et financiers pour accompagner les personnes en transition, et expliquant: «Il ne faut pas laisser seul aux seuls psychiatres le soin de décider.»
Les mois précédents TÊTU avait aussi interrogé Ségolène Royal (numéro 169, septembre 2011) qui expliquait alors que, pour elle, «la revendication primordiale, c’est l’acceptation dans la société de l’homosexualité», et non l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe, tout en s’y déclarant favorable. Arnaud Montebourg, favorable également à une telle réforme, soulignait pourtant: «C’est vrai que je ne fais pas des questions sociétales l’enjeu majeur de l’élection présidentielle. Si la lutte contre les discriminations est évidemment centrale, l’essentiel des graves difficultés qui attendent les Français se situe sur le terrain économique et social, et c’est pourquoi j’essaye d’apporter de nouvelles propositions pour transformer l’économie. C’est ma priorité politique.»
Valls seul favorable à la GPA
Enfin, Manuel Valls fut le seul à se déclarer favorable à la légalisation des «mères porteuses», ou gestation pour autrui (GPA), en plus de l’ouverture du mariage de l’adoption et de la PMA: «Aujourd’hui, les nouvelles techniques permettent cette gestation pour autrui, et il y a des possibilités d’y recourir légalement dans des pays voisins. De ce point de vue, je considère que cela doit concerner toute forme de couple, de toute façon. (…) La GPA repousse les barrières qui encadrent la procréation assistée, et il y a le problème de la transaction financière à l’égard de femmes souvent pauvres. Je comprends que certains au PS aient peur d’une dérive vers une marchandisation du corps des femmes qui pourrait s’avérer non maîtrisable. Mais au-delà de ces précautions, c’est une évolution qui est incontournable, à condition qu’elle soit encadrée. Contrairement à ce que disent ceux qui sont par principe hostiles à la GPA, je crois que si celle-ci est maîtrisée, elle est acceptable, et j’y suis donc favorable.»
Les échanges au PS sur les questions LGBT ne sont donc pas terminés. Ils resurgiront peut-être à l’occasion du troisième et dernier débat entre les candidats à la primaire, ce soir à 20h30 sur BFM TV…