En Inde, «Dunno Y… Na jaane kyun» passionne avant même sa sortie en salle. En cause, une scène d’amour gay qui risque d’être censurée et a valu à l’acteur principal d’être renié par sa famille…
Avec son affiche homo et sexy, Dunno Y… Na jaane kyun défraye la chronique en Inde. Ce nouveau film Bollywood en post-production se veut l’hommage indien à Brokeback Mountain où des cowboys entretenaient une liaison passionnée. Dans la version hindi, il est plutôt question de promotion canapé dans le monde impitoyable de Bollywood que de vie au grand air, mais les deux films ont en commun d’inclure des scènes d’amour torrides entre deux hommes. Or en Inde, sur les kilomètres de pellicule produits chaque année par l’industrie cinématographique, on n’avait jamais vu une séquence de sexe gay. Aujourd’hui, celle-ci est menacée de suppression par la censure. Quant à la famille de l’acteur principal, elle n’a pas supporté la publicité autour du film.
Sa famille veut le déshériter
Car le jeune Yuvraaj Parasher (ci-contre), un nouveau venu à Bollywood originaire d’Agra, la ville du Taj Mahal, n’avait pas expliqué la teneur du scénario à ses parents. Ceux-ci sont tombés de haut en découvrant l’affiche du film, où leur fils pose torse nu aux côtés de son partenaire, l’acteur Kapil Sharma. «Ce qu’il a fait est contre la culture et les traditions de notre pays et cela met en danger la pureté de la relation entre un homme et une femme (…) Maintenant les gens vont se moquer de nous et nous ne pourrons plus jamais vivre en paix» a déclaré le père scandalisé au Times of India. Sa mère, elle, est convaincue que toutes les chances de mariage de Yuvraaj sont ruinées, et que personne n’acceptera un gendre qui ait joué un homosexuel. Plus grave, la famille du jeune premier serait même prête à aller au tribunal pour le déshériter.
Peut-être les parents seront-ils rassurés: le conseil de la censure a en effet demandé au réalisateur, Sanjay Sharma, de couper un baiser entre les deux protagonistes ainsi que la scène d’amour centrale. Celui-ci a refusé. Sanjay Sharma se dit convaincu que le public indien est «assez mature» pour apprécier le scénario. Le film est à présent entre les mains du comité de révision.
Deux tabous
Ce n’est pas la première fois que Bollywood se frotte aux sujets gays. En 2008, deux hommes s’embrassaient dans Dostana (ci-contre), mais il s’agissait d’une sorte de pari. Puis début 2010, le film Pankh avait récidivé avec une scène de baiser homo, cette fois-ci avec un des deux héros habillé en femme. Dernièrement, c’est un film indépendant, I am qui a fait le tour des festivals internationaux avec une histoire d’amour gay made-in-India. Mais le réalisateur cherche toujours un distributeur dans son propre pays. Même si les films indiens osent des scènes de plus en plus explicites, cette liberté sexuelle reste balbutiante. S’embrasser à l’écran devient tout juste acceptable, et les scènes d’amour sont toujours filmées avec un kitsch pudique, derrière un voile, un rideau de pluie ou des jeux d’ombres. Le scénario de Dunno Y brise donc deux tabous à la fois. Peut-être trop pour l’Inde.