Les gays victimes d’agressions doivent parfois se battre pour que la justice admette l’homophobie comme motifs des violences subies. Exemple à Nantes, où un homo a bataillé pour obtenir un renvoi du procès de ses agresseurs présumés en correctionnelle. Explications.
Plusieurs affaires le démontrent, le caractère homophobe des agressions physiques commises sur des homosexuels peine à être reconnu. C’est notamment le cas à Nantes. Pour preuve, les jugements des 1er avril (lire article) et 19 juin 2009 (lire article). Selon Hussein Bourgi, président du Collectif contre l’homophobie (CCH), le parquet du chef-lieu de Loire-Atlantique figure même «parmi les plus calamiteux dans le traitement des plaintes pour discriminations, juste après celui de Lyon.» Toutefois, il concède que «lorsqu’on signale une anomalie au procureur de la République, les choses rentrent dans l’ordre.»
La circonstance aggravante d’homophobie n’est pas automatique
Car en cas d’agression liée à son orientation sexuelle, un homosexuel n’a aucune garantie automatique de la prise en compte de l’homophobie comme circonstance aggravante. Il faut que le dossier présente des éléments qui en attestent, une difficulté fréquemment rencontrée, comme récemment à Orléans (lire article). Mais il existe un autre cas de figure: lorsque ces éléments existent et figurent dans le dossier mais que le parquet n’en tient pas compte. C’est alors à la victime de se battre et de faire reconnaître ses droits comme cela est arrivé cette semaine.
L’audience du tribunal correctionnel de Nantes du mercredi 19 janvier devait voir comparaître quatre jeunes, d’une vingtaine d’années, poursuivis pour l’agression d’un gay nantais, dans la nuit du 19 juillet 2009, square Elisa Mercœur, plus connu comme lieu de drague sous le nom de Baco (lire article du 1er août 2009). Ils étaient convoqués devant un juge unique, une formation allégée, destinée à juger les petites affaires. Un cinquième agresseur, mineur, a été jugé en octobre 2009 et placé en liberté surveillée jusqu’à sa majorité.
«T’es un pédé»
La victime, qui a contacté localement le Centre LGBT de Nantes, a été suivie par le CCH qui à l’étude du dossier a décelé plusieurs anomalies. La principale étant que la circonstance aggravante liée à l’orientation sexuelle devait être retenue puisque les cinq jeunes avaient alpagué et violemment frappé la victime après lui avoir dit: «T’es un pédé». Pour Hussein Bourgi, «il y a au moins trois circonstances aggravantes justifiant le renvoi et la requalification des faits. Une agression à caractère homophobe indéniable, de plus commise en réunion et sous l’emprise de l’alcool.»
D’où le conseil du CCH à la victime et à son avocat de plaider l’incompétence du juge unique et de demander le renvoi devant une formation collégiale du tribunal correctionnel. Un choix auquel la victime s’est rangé après deux mois et demi de réflexion et d’échanges. Et finalement le ministère public a soutenu cette demande afin de «permettre au moins d’avoir le débat sur le caractère homophobe de l’agression, sans préjuger de la décision qui suivra». L’audience a donc été renvoyée au 7 avril. Affaire à suivre.