Au premier regard rejoint les rangs déjà bien encombrés des premiers longs-métrages sur l’éveil d’un personnage à son homosexualité (Ligne d’eau et Soongava il y a quelques semaines). C’est à chaque fois la même trame : le héros (ou l’héroïne) vit dans un environnement hétéro-normé, jusqu’à ce que débarque un splendide adonis (ou une audacieuse amazone) qui lui trouble les sens, le révélant à lui-même et le conduisant à repousser sa promise (ou son fiancé).
A travers ce sujet maintes fois réitéré, le jeune cinéma d’auteur international, s’il ne vise souvent qu’à sensibiliser le public à la cause homosexuelle, semble surtout se reconnaître lui-même, et placer sa profession de foi dans la singularité, la « différence » très littérale de personnages qui osent se départir des normes sociales — comme lui entend se distinguer par son intimisme des normes du cinéma commercial. La seule particularité de ce film-ci, tourné par Daniel Ribeiro, auteur de courts-métrages remarqués (Café com Leite, Ours de cristal 2008 à Berlin), c’est qu’il se passe à Saõ Paulo parmi des lycéens, et que son jeune protagoniste, Leonardo (Guilherme Lobo), atteint de cécité, ne peut donc pas caresser du regard l’objet de son désir naissant, Gabriel (Fabio Audi), nouvel élève débarqué en cours d’année.
JEU DE LA BLUETTE ADOLESCENTE
Si Au premier regard évolue quelques coudées au-dessus de la mêlée, c’est qu’il a la sensibilité de ne jamais instrumentaliser son récit au profit d’une démonstration ou d’une symptomatologie sociale. L’homosexualité ne sert pas ici à dénoncer l’intolérance ou l’arriération d’une région, mais participe d’une question plus large, qui accessoirement la dépasse : celle de l’émancipation d’un garçon infantilisé par son handicap, encore peu sûr de lui car trop couvé par ses parents et sa meilleure amie Giovana (Tess Amorim) — elle aussi éprise du beau Gabriel.
Dans ses meilleurs moments, le film, véritablement à l’écoute de ses personnages, joue le jeu de la bluette adolescente, chronique légère et volatile. « Qui m’embrassera ? » : voilà l’enjeu simple et essentiel, typiquement lycéen, qu’il parvient à nous faire partager, si bien que le moment judicieusement retardé où Leonardo ose enfin embrasser Gabriel se trouve chargé d’une émotion inattendue et délicieusement fébrile.
On regrette simplement que la mise en scène, entre retenue excessive et tentatives formelles inconsistantes, ne trouve que le chemin d’une sorte de platitude engourdie, enterrée par une photographie proprette — relevée toutefois par une vraie limpidité sentimentale. Rien que Daniel Ribeiro ne puisse affiner par la suite, s’il cherche toujours l’humilité d’une tendresse toute classique. A suivre.
- Source Le Monde
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