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 d’ADHEOS

Légalisation de l’avortement, du mariage homosexuel, bientôt du cannabis… En quelques mois seulement, la société uruguayenne a opéré des changements spectaculaires.
 
On n’arrête plus l’Uruguay. En l’espace de quelques mois, ce pays coincé entre l’Argentine et le Brésil, dont on ne parle que très rarement, a dit «oui» à l’avortement, franchi un premier pas vers la légalisation du cannabis et autorisé lundi le premier mariage homosexuel de son histoire, après être devenu en avril le deuxième pays du continent à reconnaître le mariage entre personnes de même sexe.
 
Depuis l’arrivée de la gauche au pouvoir en 2005, ce pays de 3 millions d’habitants multiplie les réformes pour le droit des homosexuels, en approuvant notamment les unions civiles ou l’adoption par des couples gays. Aujourd’hui, le cheval de bataille du président José Mujica, c’est la légalisation du cannabis. Si le projet de loi – qui a déjà passé l’une des deux chambres du Parlement – est approuvé, les consommateurs uruguayens pourront acheter jusqu’à 40 grammes par mois de cette drogue dans des pharmacies autorisées. Une réforme «d’avant-garde», selon Mujica (qui assure n’avoir jamais fumé de joint), qui viserait à en finir avec un marché illégal qui génère chaque année de 30 à 40 millions de dollars, et à éloigner les consommateurs des réseaux de narcotrafiquants.
Le président reverse 87 % de ses revenus à des oeuvres de charité
 
Ce président qui donne l’impulsion des réformes est un personnage atypique. Ancien guérillero emprisonné sous la dictature, il est aujourd’hui connu pour son franc-parler et son mode de vie très simple. Elu en 2009 et surnommé «le président le plus pauvre du monde», il vit loin des fastes de sa fonction, dans sa modeste ferme située à une demi-heure de la capitale, Montevideo. L’homme de 78 ans reverse même 90 % de son salaire à des organismes d’aide au logement social.
 
Pour la population, ce président philosophe est devenu un symbole. La frénésie réformatrice du pays n’est cependant pas le fruit de la volonté de ce seul homme. Selon Francisco Panizza, professeur de politique latino-américaine à La London School of Economics, «l’avortement ou le mariage gay, thèmes de campagnes du parti au pouvoir, étaient dans les cartons depuis longtemps. Il faut savoir que ce gouvernement n’a pas vraiment été capable de mettre en place de grandes réformes en matière d’économie. Ces changements sociétaux seront donc son principal legs.»
Réformer fait partie de la culture du pays
 
Dans le pays, tout le monde ne partage pas l’enthousiasme du gouvernement pour la légalisation du cannabis. Un récent sondage de l’institut Cifra révèle que 62% des Uruguayens rejettent cette loi. Toutefois, il ne faut pas s’attendre à ce que ces derniers descendent dans la rue pour exprimer leur désaccord, estime Francisco Panizza, qui rappelle que sur ce continent très influencé par l’Eglise, l’Uruguay fait figure d’exception avec une longue tradition de politiques de réformes sociales avant-gardistes, à laquelle ses habitants sont attachés. «Cela fait partie de la culture du pays depuis plus d’un siècle. Le président Jose Batlle y Ordonez (1903-1915), l’une des plus grandes figures politiques du pays, a donné l’impulsion en introduisant à l’époque des réformes très controversées», explique le professeur. L’Uruguay a en effet été l’un des premiers pays du monde à abolir la peine de mort, en 1907. Il s’est déclaré pays séculier dès 1917, a été le premier de la région à autoriser le divorce aux femmes qui le demandaient en 1913, ou à leur donner le droit de vote en 1927. Aujourd’hui, le pays entend bien conserver le statut de pionnier social qu’il revendique.