Le communiqué d’Act Up-Paris, ce samedi matin, est simple et puissant, comme les meilleures actions de l’association. Il se résume à ces quelques mots: «Daniel Bensaïd est mort du sida.» Suivi du slogan fondateur d’Act Up: «Silence=Mort». Un texte qui sanctionne le traitement médiatique autour de la mort du philosophe de gauche Daniel Bensaïd (photo), et qui est lourd de sens.
«Quand on a découvert que les gens disaient que Daniel Bensaïd était mort ‘‘d’une longue maladie’’, on était choqués. On avait l’impression de se retrouver au milieu des années 80, quand les familles publiaient des avis de décès qui ne mentionnaient pas les causes de la mort, et que nous achetions des encarts dans Libé pour dire que untel était bien mort du sida», explique Jérôme Martin, militant de longue date d’Act Up-Paris, contacté par TÊTU.
«La presse a mieux traité la mort de Mano Solo»
«Je suis très en colère, poursuit Jérôme Martin. Cela me choque d’autant plus que Daniel Bensaïd était un homme de gauche, proche du NPA (le parti d’Olivier Besancenot). Si des gens qui se disent alternatifs laissent faire ça, qu’est-ce que ça doit être dans les milieux bourgeois?»
Mais pourquoi ne pas avoir réagi de la même façon à la mort de Mano Solo, il y a quelques jours à peine? «On y a pensé, mais c’était plus compliqué, explique Jérôme Martin. On aurait pu le faire contre les journaux, qui ont simplement écrit que Mano Solo ‘‘est mort des suites de plusieurs anévrismes, après avoir vécu avec le sida’’. Mais le traitement de la presse télévisée a été meilleur, les chaînes ont bien expliqué qu’il était mort du sida.»
«Un retour de la honte pour les malades du sida»
«Il ne s’agit pas d’utiliser la mort de quelqu’un, poursuit l’activiste. Mais des gens meurent tous les jours, en Europe aussi. On oublie que le virus fragilise, il entraîne des complications, les traitements ont des effets secondaires. Derrière tout ça, il y a le sida quand même. Alors qu’on est en 2010, on régresse, on assiste à un retour à la honte pour les victimes du sida. On ne peut pas laisser croire que le sida ne tue pas.»