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 d’ADHEOS

Dans le pays considéré comme un des plus conservateurs d’Amérique latine, le président a présenté un projet de loi d’union civile pour les couples hétérosexuels et… homosexuels!
 
«Un jour historique». C’est ainsi que les associations de gays, lesbiennes et transexuels ont qualifié la journée d’hier. Ainsi qu’il l’avait promis durant sa campagne présidentielle, le président de droite Sebastian Piñera (photo), arrivé au pouvoir il y a près d’un an et demi, a présenté «l’Accord de Vie en Couple» (AVC), un projet de pacs à la chilienne pour les couples hétérosexuels et homosexuels. «Nous devons comprendre qu’il n’existe pas un seul type de famille», a souligné le président. «Il existe beaucoup de formes ou d’expression de famille.»
 
Gifle pour l’Eglise
L’AVC peut être établi devant notaire ou en mairie. Il permet de réguler les droits d’héritage, d’assurance santé, de retraite pour les couples non mariés, quel que soit leur sexe, sans que leur soit exigé de vie commune antérieure au contrat.
 
Invitées au palais présidentiel, les associations de minorités sexuelles ont applaudi le courage du président. «Piñera est devenu aujourd’hui le premier président à se réunir officiellement avec des lesbiennes, des gays, des bisexuels et des transexuels», a rappelé Rolando Jimenez, le président du Movihl, l’association de minorités sexuelles la plus importante du Chili. Jamais avant lui un président n’avait osé. Autant dire que la présentation d’un texte régulant leur union est considéré par l’Eglise catholique, extrêmement puissante dans le pays, comme une gifle cinglante. Il y a encore seulement treize ans, la sodomie était passible au Chili de 541 jours de prison…
 
«Une balle dans le pied»
Une dizaine de jours avant la présentation du projet présidentiel, un millier de manifestants se sont rassemblés sur la place principale de Santiago pour célébrer «la morale et la famille». Une tendance qui ne représente pas la société chilienne, qui s’est exprimée dans les sondages majoritairement en faveur du texte de loi. Mais elle représente en revanche les partis de la coalition du président.
 
Les présidents de la UDI, Juan Antonio Coloma, et de RN (le parti du président), Carlos Larrain ont refusé d’assister à la présentation du texte de loi. Sur Twitter, le député UDI Gonzalo Arenas a sûrement été le plus acerbe: «J’ai tellement honte de mon gouvernement!» Quand le député UDI Gustavo Hasbún a souligné: «Le gouvernement commet une grave erreur: il est en train de se tirer une balle dans le pied.»
 
Coalition en émoi
Sebastian Piñera a ramené la droite au pouvoir vingt ans après la fin de la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990), à laquelle elle avait participé. Mais le président est aujourd’hui au plus mal, avec seulement 26% d’approbation dans les sondages – le score le plus bas d’un président depuis le retour de la démocratie. Avec cette initiative, en plein milieu d’un conflit étudiant qui dure depuis deux mois et ne cesse de le faire chuter dans les sondages (les étudiants et les élèves du secondaire réclament une profonde réforme du système éducatif pour rétablir au Chili une éducation publique, de qualité, gratuite), il vient de se mettre à dos sa propre coalition. Et surtout la UDI, le parti le plus important du Chili, le plus important dans les deux Chambres. Un parti intimement lié à l’Opus Dei.
 
Les dirigeants de la UDI ont déjà annoncé qu’ils présenteraient plusieurs dizaines de modifications au texte présidentiel. Dans ses allers-retours au Congrès, l’AVC pourrait bien finir par perdre son essence même.