Le torchon brûle entre les associations homos et le parquet de Montpellier. Le rappel à la loi contre l’émission «Action discrète» de Canal+ a déclenché une vive réaction associative.
L’affaire remonte au 10 février dernier. En pleine campagne des élections régionales, les acteurs de l’émission Action discrète sur Canal+ filment en caméra cachée la réaction des montpelliérains qu’ils interpellent avec des propos outranciers, se faisant passer pour des partisans du candidat George Frêche. Le but de la production est de dénoncer le franc-parler du président de région sortant, en pleine polémique sur ses propos concernant Laurent Fabius. Tout y passe, propos odieux et injurieux, racistes, antisémites, misogynes, contre les handicapés et homophobes: face au bar lesbien Le Velvet, les lesbiennes sont traitées de «colleuses de timbres» (lire article-débat).
Rappel à la loi
Des propos qui créent un vif émoi localement au point que des victimes alertent la Lesbian & Gay Pride Montpellier-LR (LGP) et le Collectif contre l’homophobie (CCH) qui portent plainte pour injures homophobes, avant d’apprendre qu’il s’agit de l’émission de Canal+, diffusée le samedi 13 février. Epilogue judidiaire de cette affaire, Brice Robin, procureur de la République de Montpellier, a convoqué mercredi 15 septembre Yves Le Rolland, le directeur artistique de l’émission, pour un rappel à la loi. Une réponse pénale jugée bien trop discrète par les associations qui dénoncent dans un communiqué «cette gestion cafouilleuse en rupture avec celle qui prévalait auparavant». Hussein Bourgi, président du CCH, croit savoir que ce rappel à la loi «est une cote mal taillée».
Contacté par TÊTU, Brice Robin, procureur de la République, se dit «scandalisé» par ce communiqué. Il justifie «ce choix collégial avec le procureur général» en raison «d’un élément intentionnel des auteurs très limité et la nécessité de faire la part des choses», tout en affirmant que les propos tenus avaient été «tout à fait odieux et lamentables». Il a bien reproché à Yves Le Rolland «de n’avoir pas flouté les locaux et les personnes filmées à leur insu, et de n’avoir pas prévenu ces dernières après coup». Brice Robin note «qu’un renvoi devant le tribunal correctionnel était un risque de discussion du défaut d’élément intentionnel et de relaxe». Sur ce point, il rappelle sa détermination dans d’autres affaires, comme celle contre un pompier (lire article), ou encore celle des deux mineurs condamnés lourdement pour avoir agressé au marteau deux homosexuels (lire article). Un éventuel dépassement du délai de prescription (NDLR: trois mois en matière d’injures homophobes, un an en matière raciale) «aurait pu être discuté par le tribunal» reconnaît le procureur. Brice Robin remarque enfin qu’aucune association juive ou d’handicapés n’a porté plainte dans cette affaire. «Si j’avais eu des plaintes de tout le monde, j’aurais renvoyé en correctionnelle» conclut-il.
«Hiérarchisation des discriminations»
Vincent Autin, président de la LGP, dénonce «une hiérarchisation des discriminations» et précise que des insultes plus graves, coupées au montage, ont bien été subies par des gays: «Les pédés votent Frêche pour qu’ils continuent à s’enculer dans leur techno-rave, à s’en mettre plein le pif et à se refiler le sida.» Pour Hussein Bourgi, c’est «un déni de justice». Selon lui, «cela a fait débat et créé des divergences au sein du parquet. La loi doit s’appliquer aussi fermement aux casquettes-baskets qu’aux délinquants en col blanc» ajoute-il. Il déclare qu’Yves Le Rolland n’a pas cru bon de présenter des excuses aux associations LGBT, comme il l’a pourtant fait par écrit à l’Unapei, l’association d’handicapés. La LGP et le CCH ont l’intention de demander un rendez-vous à Brice Robin et Bernard Legras, procureur général de Cour d’appel de Montpellier, afin de leur demander des éclaircissements sur la politique pénale en matière de discriminations et les moyens mis en œuvre pour la faire appliquer par les parquets de son ressort.