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 d’ADHEOS

Presque tous les médias lesbiens ont fermé en 2013, en plein débat sur le Mariage pour tous. Ce printemps, le milieu connaît un regain de vigueur et se recompose autour de nouveaux titres aux formats innovants.
Il faut y aller!", a décidé une petite équipe de journalistes et graphistes en lançant la revue lesbienne Well Well Well. Le premier numéro de ce "mook" – semestriel à mi-chemin entre livre et magazine – doit paraître avant l’été.
 
Le projet verra le jour grâce au financement participatif (crowdfunding): "Nous avons halluciné, plus de 10.000 euros recueillis en 15 jours!", s’exclame Marie Kirschen, ex-chef de rubrique de Têtue.fr, à l’origine du projet.
 
Well Well Well, bel objet de 128 pages au style léché, fait la part belle à la culture. Au menu du premier numéro, des articles sur la réalisatrice Céline Sciamma et la poétesse Audre Lorde, le clubbing et le foot lesbien. "Nous ne serons pas axées lifestyle et consommation. Il n’y aura pas du tout de publicité ni de mode. C’est un parti pris", précise Marie Kirschen.
 
Même combat mais une ligne éditoriale différente pour le magazine numérique Jeanne, lancé en janvier par Stéphanie Delon, ex-rédactrice en chef de la 10ème Muse, et Alice Derock, créatrice de la marque de sextoys lesbiens Wet for Her. Jeanne, née aussi grâce au crowdfunding, adopte les codes des magazines féminins. "Psycho, mode, sexo. Les lesbiennes sont des femmes avant tout.
 
Les généralistes féminins essaient parfois de toucher les lesbiennes, mais c’est souvent maladroit", dit Stéphanie Delon. Annonceurs craintifs Si ces projets suscitent autant d’engouement en ligne, c’est qu’ils viennent combler un vide. Les trois médias principaux destinés aux femmes homosexuelles ont fermé en 2013 alors que la visibilité des lesbiennes dans les médias généralistes et LGBT était déjà limitée.
 
Le site Têtue.fr a mis la clé sous la porte dans la foulée du rachat du magazine gay Têtu, lourdement déficitaire. Lesbia Magazine, mensuel entièrement monté par des bénévoles depuis 1982, a fermé aussi. Et le manque de publicité a eu raison de La 10ème Muse, ancêtre de Jeanne. "Nous sommes devenues un mensuel numérique car sur papier, c’était impossible.
 
Les annonceurs sont craintifs sur la presse homo et surtout lesbienne", regrette Stéphanie Delon. Dans un contexte de crise pour l’ensemble de la presse, les médias lesbiens connaissent des difficultés supplémentaires de financement et de distribution: "Les plus précaires ferment les premiers et les gouines en font partie", déclare Rag, membre du collectif Barbi(e)turix, dont les soirées servent à financer un fanzine et un blog.
 
A Paris, la presse lesbienne est distribuée notamment dans deux librairies spécialisées: Violette & Co. et Les Mots à la Bouche. "Les autres librairies peuvent être frileuses, il faut aller les voir une par une", explique Christine Lemoine, co-fondatrice de Violette & Co. "L’auto-financement nous donne aussi plus de liberté, cela nous permet d’être complètement indépendantes", déclare Rag.
 
Evoluer en-dehors des circuits commerciaux traditionnels peut s’inscrire dans une démarche délibérée: "Cela peut refléter la volonté politique de ne pas s’associer aux annonceurs, de marcher contre le système", explique la sociologue Natacha Chetcuti. Les débats sur le mariage et la famille ont profondément secoué le milieu en 2013, ce qui se reflète dans les choix éditoriaux. Pour Barbi(e)turix, il s’agit à présent "d’arrêter les sujets polémiques. La haine, la victimisation, c’est un serpent qui se mord la queue". Quant à Jeanne, "La politique, d’autres en parleront mieux que nous. Notre voix, c’est dire quelque chose qui fasse du bien".