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 d’ADHEOS

 Quelle est la réalité du travail des escorts, au-delà des clichés? Ont-ils le train de vie qu’on décrit si souvent? Subissent-ils cette exploitation du corps? Hervé Latapie, auteur d’un livre sur la prostitution gay, répondait à ces questions lors d’un débat, jeudi dernier, à Paris.

 
 Être le premier à lever le voile sur une réalité qui dérange, c’est rarement un rôle confortable. C’est pourtant celui qu’a endossé Hervé Latapie jeudi dernier au centre LGBT de Paris. Quelques semaines après la parution de Doubles Vies, (qui faisait la couverture du TÊTU News de janvier encore en vente jusqu’à mardi), son enquête sur les escorts gays, le centre l’avait invité à participer à un débat sur la prostitution. Lui-même client d’escorts et défenseur d’une position susceptible d’en faire hurler certains, l’événement était pour lui chargé d’appréhensions…

 
 
Mais ses craintes se sont envolées rapidement. Pendant le débat, la curiosité prend vite le pas sur la critique. Une trentaine de spectateurs de tous âges (dont des prostitués et des clients) écoutent l’auteur répondre aux questions. On l’interroge sur son expérience de client ou bien sur son rôle de sociologue. Puis le public s’adresse très vite à lui en tant qu’expert: un jeune-homme le questionne sur les risques fiscaux encourus par la prostitution, le psychologue d’un centre social lui demande conseil afin de mieux guider les jeunes prostitués…
 
Récupération médiatique
Finalement, le dialogue ouvre un espace d’expression plutôt que de tensions. Clients et prostitués font part de leurs opinions et expériences, alors que, comme le rappelle l’écrivain «il est très difficile de trouver des témoignages de clients. Ils se sentent souvent honteux. Les médias les montrent comme des monstres!». D’ailleurs, la principale critique que fait l’auteur à propos de la prostitution, c’est sa récupération médiatique! Il soutient que l’image traditionnellement véhiculée par les médias de la prostitution masculine homosexuelle n’est pas juste.
 
D’où cette interrogation, qui constitue le moteur de son enquête: «Comment se fait-il que toutes ces représentations médiatiques -l’amalgame avec la pédophilie, l’image du jeune Roumain, etc.- ne correspondent absolument pas à ce que moi j’ai pu voir?". Lui en tire une image beaucoup plus douce. Sans nier l’existence de situations dramatiques, Hervé Latapie nuance la vision médiatique de la prostitution en rappelant que les cas extrêmes ne constituent pas une généralité: «ces situations existent, mais ce n’est pas la majorité de ce qui se passe!». Selon lui, les médias procèdent à «une instrumentalisation de la prostitution», et font d’elle un «produit stigmatisé».
 
Argent et exploitation du corps
Hervé Latapie dénonce aussi une certaine fantasmagorie autour des revenus des escorts: «On entend parler de types qui se feraient dans les 10 000 euros la nuit… Mais je n’ai rencontré personne qui m’ait évoqué de tels revenus! Les gens se font des fantasmes!» Et il rappelle que la prostitution, bien qu’elle puisse rapporter davantage qu’un job dans un fast food, ne peut pas être qualifiée d’«argent facile»: «On peut dire à la limite "argent rapide"».
 
Lorsqu’est évoquée la problématique de l’exploitation du corps, l’auteur renvoie au travail physique de certains ouvriers: «L’exploitation du corps ? On peut aussi se poser cette question pour ceux qui soulèvent des poids monstrueux à longueur de journée et qui ont le dos brisé avant quarante ans». On adresserait trop souvent à la prostitution des critiques «morales» qui ne lui sont pas propres. Quitte à réviser nos critères d’évaluation morale? Ou les abandonner carrément?
 
En tout cas, l’auditoire n’a pas semblé réticent à l’argumentaire d’Hervé Latapie, et n’a pas amené le débat sur le terrain potentiellement explosif de la morale. L’auteur a d’ailleurs conclu qu’il s’attendait «à recevoir un peu plus d’agressivité!».
  •  Source TETU
  • Livres : "Doubles Vies: enquête sur la prostitution masculine homosexuelle " chez le Gueuloir.