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 d’ADHEOS

Les résultats encourageants de plusieurs études sur des stratégies destinées à prévenir la transmission du VIH ont été présentées lors de la 20e conférence sur le sida, qui se tient jusqu’au 25 juillet à Melbourne. Elles reposent sur trois stratégies : l’administration de médicaments anti-VIH chez des personnes séronégatives exposées au risque d’être infectées, appelée prophylaxie pré-exposition (PrEP en anglais), la circoncision et enfin le dépistage à domicile. 
 
La première démonstration de l’efficacité de la démarche de PrEP a eu lieu en 2010 avec l’étude dite « iPrEx » : des hommes homosexuels séronégatifs prenant quotidiennement une association de deux antirétroviraux avaient un taux de contamination par le VIH inférieur de 44 % à ceux prenant une substance inactive. Un prolongement de cette étude – « iPrEx OLE » – a consisté à suivre pendant 72 semaines dans les conditions de la vie réelle quelque 1 600 personnes, hommes ayant des rapports homosexuels et transgenres d’âge moyen de 28 ans, ayant participé à des essais de PrEP.
 
Ils choisissaient de prendre ou non une dose quotidienne combinant deux antirétroviraux, par voie orale, comme méthode de PrEP. Les trois quarts des participants (76 %) ont pris le traitement prophylactique et le reste a décliné la proposition. Le professeur Robert Grant (Université de Californie à San Francisco), qui a présidé l’essai, a présenté, mardi 22 juillet, les résultats de l’étude iPrEx OLE, achevée en décembre 2013.
 
EFFICACITÉ DÉMONTRÉE POUR PRÉVENIR L’INFECTION
 
« La PrEP s’est montrée très efficace pour prévenir l’infection par le VIH chez des hommes ayant des rapports homosexuels et des transgenres, même lorsqu’il leur arrivait d’oublier de temps en temps un comprimé : aucun des participants prenant au moins quatre doses par semaine n’a été infecté au cours de l’étude », a précisé Robert Grant.
 
Chez les participants absorbant 2 ou 3 comprimés par semaine, le risque de contracter le VIH était diminué de 90 %, alors que chez ceux ne prenant pas de PrEP, le taux d’infection était de 4,7 % au cours d’une année de suivi. « Ceux qui ont le plus besoin de ce type de prévention sont aussi ceux qui y ont eu le plus recours, a commenté Robert Grant. De plus, si le suivi du traitement doit être bon pour être protégé, il n’a pas besoin d’être parfait. Cela correspond à la vie réelle où des oublis de traitement peuvent se produire. » La prise d’une prophylaxie ne s’est pas accompagnée des comportements à risque.
 
LA CIRCONCISION DIMINUE LE RISQUE DE TRANSMISSION
 
Autre approche pour diminuer le risque d’acquérir le virus, la circoncision, dont plusieurs essais depuis 2005 ont montré qu’elle réduisait le risque chez les hommes de 50 à 60 %. Cette intervention médicale chez les jeunes hommes est bien acceptée dans les régions où le taux d’infection par le VIH est important. Pour autant, protège-t-elle les femmes partenaires d’hommes circoncis ? L’équipe du professeur Bertran Auvert (Inserm U1018, Université de Versailles-Saint-Quentin) a décidé de répondre à cette question.
 
Ces chercheurs ont à leur actif la première démonstration de l’efficacité de la circoncision pour les hommes dans le cadre d’une étude financée par l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS, France) menée avec leurs collègues sud-africains à Orange Farm, une township à 45 km de Johannesbourg. Kévin Jean (Inserm U1018) a présenté les résultats de la nouvelle étude sur les effets indirects de la circoncision, qui rassemble les données recueillies en 2007, 2010 et 2012, chez près de 2 500 femmes âgées de 15 à 29 ans.
 
30 % d’entre elles indiquaient n’avoir eu de relations sexuelles qu’avec des hommes circoncis. Chez elles, le taux d’infection par le VIH était de 17,8 %, tandis qu’il s’élevait à 30,4 % chez celles ayant des partenaires non circoncis. Grâce à un modèle mathématique, les scientifiques ont évalué la proportion de nouvelles infections dans l’année, qui s’est révélé inférieure de 20 % chez les partenaires d’hommes circoncis. « Ces résultats sont encourageants et incitent à déployer davantage encore les programmes de circoncision médicale », estime Kévin Jean.
 
TRAITER PRÉCOCEMENT PAR UNE COMBINAISON D’ANTIRÉTROVIRAUX
 
Une autre manière de prévenir les infections à VIH par un traitement consiste à traiter précocement les personnes vivant avec ce virus. Un traitement bien suivi par une combinaison d’antirétroviraux réduit considérablement (plus de 90 %) le risque pour une personne séropositive de transmettre le VIH à un partenaire séronégatif. Mais, dans son dernier rapport, l’Onusida estime que 19 millions des 35 millions de personnes vivant avec le VIH ignorent leur statut sérologique. Or, pour pouvoir traiter, il faut d’abord dépister.
 
D’où la démarche consistant à faciliter le dépistage dans la population des régions affectées de manière importante, en proposant aux personnes qui se révèlent porteuses du VIH de commencer sans attendre un traitement. C’est la stratégie « Treatment as Prevention » (TasP, « Traitement comme prévention »). Quatre essais internationaux ont été lancés afin de savoir si cette approche réduit la transmission du VIH dans la population et de ce fait le nombre de nouvelles infections.
 
DÉPISTAGE À DOMICILE
 
Dans un premier temps, il s’agit de déterminer si cette stratégie est applicable dans la vie réelle : la population démarchée acceptera-t-elle le dépistage proposé en faisant du porte-à-porte et les personnes séropositives se rendront-elles dans une structure sanitaire pour commencer leur traitement ? Les résultats de cette première phase de l’essai international mis en route par l’ANRS dans la province sud-africaine du KwaZulu-Natal, où 17 % de la population est séropositive selon les chiffres officiels de 2012, ont été annoncés à Melbourne par le professeur François Dabis (Université Bordeaux Segalen).
 
Vingt-deux zones géographiques comprenant chacune un millier de résidents ont été délimitées. Un dépistage individuel par test rapide à domicile était systématiquement proposé tous les six mois. Dans la moitié des zones, un traitement antirétroviral était offert à toutes les personnes séropositives, tandis que dans l’autre moitié les recommandations officielles de traitement sud-africaines (en fonction de l’état du système immunitaire) étaient appliquées.
 
CONVAINCRE LES GENS DE SE TRAITER
 
82 % des résidents ont été dépistés et 85 % des personnes séronégatives ont accepté un second test six mois plus tard, ce qui atteste que la proposition de dépistage est bien acceptée. Les chercheurs ont constaté que le taux d’infection par le VIH était de 31 %, nettement plus que l’estimation de départ. Dans les six mois suivant une sérologie positive pour le VIH, seulement 48 % des personnes concernées se sont présentées dans une structure où elles pourraient débuter un traitement antirétroviral. La proportion est montée à 63 % au cours de l’année suivant un test positif. La proximité de la structure encourage les résidents à se présenter.
 
« Ces résultats sont importants, commente François Dabis. Nous sommes dans la bonne direction avec la stratégie TasP. Le test rapide est bien accepté. Les personnes séropositives ont besoin de temps pour accepter d’être mis sous traitement alors qu’elles se sentent en bonne santé. Nous allons passer à la seconde phase de cet essai et espérons des résultats sur l’impact de cette stratégie sur les nouvelles infections par le VIH vers la fin de l’année 2016. »
 
L’essai risque cependant d’être modifié car les autorités sud-africaines viennent d’annoncer qu’elles appliqueraient sans délai l’objectif avancé par Onusida de dépister 90 % de la population, de traiter 90 % des personnes séropositives, donc sans critère biologique sur l’état du système immunitaire, et de rendre le virus indétectable dans le sang chez 90 % des personnes traitées.