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 d’ADHEOS

Un an après le Grenelle contre les violences conjugales, les homicides dans les couples de même sexe ont doublé. Deux députés interpellent le gouvernement pour qu’il prenne en compte la spécificité des couples homos. Entretien avec Raphaël Gérard.
Il y a un an, le gouvernement inaugurait le Grenelle contre les violences conjugales. Le thème a été hissé grande cause du quinquennat. Depuis, des mesures ont été engagées : un audit de l’accueil dans les commissariats et les gendarmeries, la suspension de l’autorité parentale en cas de crime ou de poursuites, mise en place de bracelets antirapprochement, le code de déontologie médicale a également été assoupli. Désormais, les praticiens peuvent alerter les procureurs s’ils pensent que la vie de leur patiente est immédiatement menacée.
 
Aujourd’hui, le gouvernement annonce la création de 1.000 places d’hébergement qui s’ajoutent aux 1.000 de l’année précédente. Mais un rapport sénatorial pointe le sous-financement de ces places d’hébergement. Ce jeudi 3 septembre, l’association FLAG! a reçu un prix pour le lancement de son application de signalement des actes LGBTphobes et d’orientation des victimes.
 
Les réponses apportées aux violences conjugales restent particulièrement hétéronormées, selon deux députés de la majorité. Laurence Vanceunebrock et Raphaël Gérard interpellent dans une lettre la ministre de l’Égalité femme-homme, Élisabeth Moreno. Ils veulent la sensibiliser aux spécificités des violences au sein de couples de même sexe. Raphaël Gérard a répondu aux questions de TÊTU.
 
Quelle est la spécificité des couples LGBT+ en ce qui concerne les violences conjugales ?
 
Les victimes LGBT+ portent difficilement plainte avec une peur d’être ridiculisé, du risque d’outing pour certains, ou de devoir de justifier leur orientation auprès de leur famille… Il y a aussi un imaginaire qui pousse à minimiser les violences dans les couples de même sexe. Et quand la victime ose porter plainte, on constate une minimisation de la violence. Les forces de l’ordre, la justice, parfois les médecins ne sont également pas préparés à l’idée qu’une femme puisse violenter sa compagne ou qu’un homme puisse violenter son compagnon.
 
La plateforme 3919, le numéro d’écoute, pose un problème de méthode car les répondants ne sont pas formés. On ne sait pas prendre en charge une personne homo victime de violence conjugale et qui appelle le 3919. Avec Laurence Vanceunebrock, on plaide pour la création d’une ligne spécifique avec des répondants formés. On devrait faire beaucoup plus pour l’accompagnement des victimes LGBT+.
 
Les chiffres minimisent les violences dans les couples de même sexe ?
 
J’en suis persuadé. Mais on manque de donnée en France, faute d’étude. On sait que l’année passée, sept hommes gays et une femme lesbienne ont été tués par leur partenaire, ce sont les chiffres du ministère de l’Intérieur. Ces homicides ont doublés en une année.
 
Concernant les violences qui ne conduisent pas à un assassinat, on observe généralement les dépôts de plainte. Mais le chiffre ne reflète pas la totalité du fléau car régulièrement, les victimes LGBT+ ne se perçoivent pas comme telles et sont régulièrement sous emprise. Et lorsqu’on fait des enquêtes de victimisation, on ne demande généralement pas l’orientation sexuelle de la victime : on part du principe que si une femme dit qu’elle a été victime de violence, elle est hétérosexuelle.
 
Est-ce que vous êtes soutenu par le gouvernement ?
 
On n’a pas absolument pas été entendu par le ministère de Marlène Schiappa, on espère que la nouvelle ministre prendra conscience de cette difficulté. L’État continue de faire des campagnes de prévention dans lesquelles la victime est une femme blanche de 40 ans battue par son compagnon. Le processus d’identification ne peut pas se faire pour les victimes qui ne rentrent pas dans ce schéma là. Les victimes ne se sentent pas concernées et se disent que le 3919 n’est pas pour elles, ce qui au demeurant est techniquement vrai puisque la réponse qu’on leur apporte est inappropriée.
 
L’objectif de notre lettre, c’est qu’Élisabeth Moreno s’empare du sujet. Marlène Schiappa a reculé de peur de devoir mettre les moyens nécessaire. On ne veut pas révolutionner les politiques de prévention de la violence, mais simplement former et préparer les équipes de police, de gendarmerie et de médecine, qui sont les premiers contacts avec les victimes.
 
Si on ne prend pas en compte le sujet, on aura toujours cinq à dix victimes homos par an. C’est important de prendre en compte la spécificité des victimes dans les politiques de prévention. Ces dernières années, il y a eu une prise de conscience que les femmes étaient régulièrement victimes de violences conjugale, il faut passer la quatrième en montrant que c’est tout aussi intolérable dans les couples de même sexe. D’ailleurs, c’est un sujet qui est porté par l’égalité femme-homme. La réponse est donc fatalement genrée. Les victimes LGBT+ qui sont aujourd’hui invisibles sont dans une position similaire à celle des femmes il y a 25 ans.