Avant même sa rentrée, la Cour suprême des Etats-Unis envisage de se pencher à nouveau sur le mariage homosexuel, moins de 15 mois après le "premier round", cette fois pour décider s’il peut être illégal dans certains Etats, et légal dans d’autres.
Alors que les jugements se multiplient à un rythme effréné aux quatre coins du pays, la plus haute Cour américaine n’a pas hésité cette semaine à agir vite, en inscrivant d’emblée cette question sensible au menu de sa grande conférence de rentrée, le 29 septembre.
Une quarantaine d’Etats, autant d’entreprises et d’organisations: qu’il s’agisse des anti ou des pro mariage gay, un consensus se dégage sur un point: il est temps que la Cour suprême tranche.
"Il est parfaitement clair que la haute Cour doit se saisir à nouveau de la question de la liberté de se marier", observe James Esseks, de la puissante Union américaine de défense des libertés (ACLU).
Le 26 juin 2013, ses neuf juges avaient déjà pris une décision historique en invalidant la Loi fédérale de défense du mariage, qui réservait le mariage à un homme et une femme. Ils avaient autorisé du même coup les couples homosexuels légalement mariés au niveau d’un Etat à percevoir les mêmes aides nationales que tous les époux hétérosexuels. Ils avaient cependant laissé à chaque Etat le soin de légaliser ou non le mariage homosexuel, ce que 19 des 50 Etats américains, plus la capitale Washington DC, ont fait à ce jour.
Mais 31 autres Etats l’ont explicitement interdit dans leur législation: est-ce légal ? "La haute Cour ayant gelé les décisions de justice inférieure reconnaissant le mariage pour tous, les couples de même sexe et leurs familles exigent de la Cour suprême qu’elle agisse et qu’elle aille plus loin", explique à l’AFP Elizabeth Wydra, avocate du Constitutional Accountability Center (CAC).
Les neuf "sages" ne s’y sont pas trompés: ils examineront à huis clos les épais argumentaires déposés ces dernières semaines dans le cas de cinq Etats, Indiana, Utah, Virginie, Wisconsin et Oklahoma, où l’interdiction du mariage entre deux personnes de même sexe a été jugée anticonstitutionnelle. L’Utah a saisi la haute Cour fin juillet. Les derniers en date, l’Indiana et le Wisconsin, ont déposé leurs recours mardi, à peine cinq jours après l’arrêt de la cour d’appel de Chicago, et la Cour suprême n’a pas hésité dès le lendemain à plonger dans le débat.
"La controverse sur le mariage homosexuel s’est développée à une vitesse sans précédent", explique Lyle Denniston, expert de ScotusBlog, un site spécialisé. Si elle persiste dans la même logique, la haute Cour pourrait dire dès le 30 septembre qu’elle entendra en audience les adversaires dans une ou plusieurs de ces affaires, pour rendre une décision en juin 2015, soit deux ans après son premier arrêt.
A chaque région son régime
Mais elle pourrait aussi attendre qu’une cour d’appel fédérale juge l’interdiction du mariage homosexuel parfaitement légale. "Ce sera plus difficile de refuser de se saisir si les cours d’appel ne sont pas d’accord entre elles, car cela signifierait que différentes régions des Etats-Unis ont différents régimes de mariage", explique à l’AFP Carl Tobias, professeur de droit à l’université de Richmond.
Pour l’heure, une vingtaine de juges américains ont estimé qu’interdire le mariage homosexuel est illégal. Un seul, en Louisiane, a validé une loi stipulant que seuls un homme et une femme peuvent se marier, allant à l’encontre de la décision de la Cour suprême de juin 2013.
Deux cours d’appel doivent encore se prononcer. Le mariage gay est interdit dans 31 Etats mais le statu-quo est en place dans 14 d’entre eux, qui attendent que la justice tranche. Ces Etats doivent-ils en outre reconnaître comme légitimes les couples homosexuels légalement mariés à l’extérieur de leurs frontières? Un autre casse-tête que la Cour devrait décider de résoudre en même temps. Pour David Cruz, professeur à l’Université de Southern California, "il est de plus en plus improbable que les juges de la Cour suprême laissent autant de pages de l’Histoire s’écrire sans eux".
- SOURCE E LLICO