De la Finlande à la Colombie, en passant par le Maroc et le Burundi, zoom sur 11 films queer à découvrir ce mois-ci.
« Tove », le 1er mars
Près de 80 ans après leur création, les Moomins, ces petites créatures de la bande dessinée éponyme ressemblant à des hippopotames, continuent de vivre dans la culture populaire et l’inconscient collectif. Tove Jansson, leur créatrice, est pourtant restée longtemps en retrait, largement méconnue du grand public qui connait pourtant ses dessins par cœur. Avec Tove, la réalisatrice Zaida Bergroth entend réparer cette injustice et redonner à cette artiste la place qui lui est due dans un biopic doux et audacieux. De son rapport à l’art à sa relation amoureuse passionnée avec la metteuse en scène Vivica Bandler, le film est une belle réhabilitation de cette femme aux milles facettes. En 2020, la Finlande choisissait Tove pour représenter le pays aux Oscars.
« Nayola », le 8 mars
Armée de son rap, de son badge arc-en-ciel et de son esprit rebelle, la jeune Yara vit avec rage et énergie en Angola alors que la guerre civile dure depuis 25 ans. Son destin s’entrecroise au passé de sa mère et au quotidien de sa grand-mère dans ce premier film d’animation remarqué à Annecy l’année dernière. Dans ce long-métrage engageant et âpre, à la poésie morbide et à la beauté aride, lorgnant parfois vers le fantastique, José Miguel Ribeiro dessine le portrait de trois générations de femmes confrontée à la guerre : une résignée, une disparue et une révoltée. Une proposition rare et particulièrement réussie.
« The Whale », le 8 mars
Nommé aux Oscars, Brendan Fraser fait son grand retour dans le nouveau film de Darren Aronofsky (Mother !, Black Swan, Requiem For A Dream…), The Whale, adaptation de la pièce éponyme. Aux côtés de Sadie Sink (Stranger Things) et Hong Chau (elle aussi nommée aux Oscars), il interprète le rôle d’un professeur gay et obèse, reclus chez lui depuis des années, tentant de renouer avec sa fille adolescente qui ne lui parle plus depuis des années. Sélectionné à la Mostra de Venise et passé par plusieurs festivals américains, The Whale a su faire parler de lui et créer le débat. Une nouvelle proposition radicale de ce cinéaste qui divise souvent.
« Mon Crime », le 8 mars
Si le film semble n’avoir aucun personnage ouvertement queer dans son large casting, les premières critiques, toutes assez positives, promettent un retour au camp réussi pour le réalisateur gay François Ozon, après le décevant Peter Von Kant. Le cinéaste, toujours aussi prolifique (un film par an depuis cinq ans) se place cette fois-ci dans les années 30 avec en tête d’affiche deux des jeunes actrices françaises les plus en vogue du moment : Nadia Tereszkiewicz (Les Amandiers) et Rebecca Marder (Une jeune fille qui va bien). La première est une actrice débutante sans talent qu’on accuse d’avoir assassiné un célèbre producteur. La seconde, son amie, est une avocate fauchée qui va l’aider à se faire acquitter. Autour d’elles, Isabelle Huppert, Fabrice Luchini, Dany Boon ou encore André Dussolier gravitent dans des seconds rôles taillés pour eux. Une comédie déjantée comme Ozon a su si bien en faire avec Potiche et 8 Femmes.
« Toute la beauté et le sang versé », le 15 mars
Le lauréat de la récompense ultime de Venise, le Lion d’Or, sort enfin au cinéma en France. Le documentaire Toute la beauté et le sang versé, de Laura Poitras suit le travail de la photographe Nan Goldin, figure artistique et politique majeure. Tout au long de sa carrière, Goldin a mis un point d’honneur à immortaliser les marginalisés, faisant du genre son thème de prédilection. À travers son art, elle était aussi une activiste féroce qui, grâce à ses photos, a changé la perception publique des malades du sida et affronte la famille Sackler lors de la crise des opiacés aux États-Unis. Un film puissant, courageux et primordial.
« Un Varon », le 15 mars
Près d’un an après sa diffusion à Cannes dans la Quinzaine des Réalisateurs, le premier film du réalisateur colombien Fabian Hernandez, Un Varon, arrive dans nos salles obscures. Dans les rues incertaines et violentes de Bogota, le jeune Carlos apprend à devenir un homme – ou plutôt à l’imiter – selon la loi du plus fort. Le soir de Noël, alors qu’il souhaite passer la soirée entouré de sa mère et de sa sœur, tout bascule pour lui, et sa vision de lui-même. Un Varon (« Un Homme » en français) est un très beau témoignage sur la masculinité performative et ce que le genre représente réellement, le tout élevé par la prestation puissante de l’acteur principal Felipe Ramirez, un homme trans.
« Le Bleu du Caftan », le 22 mars
À la fin de l’année, le dernier film de la réalisatrice marocaine Maryam Touzani, Le Bleu du Caftan, fera assurément partie de ceux qui auront marqué 2023. Après le sublime Adam en 2020, la cinéaste réalise un deuxième film magnifique, où l’artisanat sert une nouvelle fois de toile de fond à une splendide histoire de personnages. Halim et Mina, en couple depuis des années, gèrent un atelier de couture « à l’ancienne » et vivent avec le secret de l’homosexualité d’Halim. Quand Youssef, un nouvel apprenti, rejoint l’atelier, l’équilibre du couple vacille. Maryam Touzani redéfinit l’amour et la notion de couple dans un récit tragique mais jamais grave, qui raconte son pays autant que ses protagonistes.
« Neptune Frost », le 22 mars
Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs en 2021, la bizarrerie de Saul Williams et Anisia Uzeyman débarque dans les salles françaises à la fin du mois, et c’est une expérience qui ne laissera personne indifférent. Drame musical en pleine nature burundaise, Neptune Frost est un film unique, insaisissable, complexe et sensoriel remplit d’idées de cinéma. La technologie, le colonialisme, l’art, le genre….autant de thèmes que le film arrive à aborder avec ses propres codes visuels et narratifs, n’obéissant ainsi à aucune norme.
« Le Prédateur », le 16 mars en DVD
Deux ans après sa projection au festival Chéries-Chéris, l’avant-dernier film du réalisateur argentin mythique du cinéma gay, Marco Berger, sort enfin légalement sur le marché français. Dans Le Prédateur, Ezéquiel, seul chez lui pour l’été, décide d’explorer son désir pour les autres garçons. Après Taekwondo, Le Colocataire ou encore Hawaï, Marco Berger, cinéaste du désir charnel et de la contemplation des corps, change de ton et explore avec ce film le genre du thriller psychologique. En résulte un film inconfortable qui manie habilement les codes du genre pour traduire l’état de pression absolue de son protagoniste dans une situation extrême qui vaut le détour.
« Au bout de mes rêves », le 16 mars
Dans ce très joli premier long-métrage rebaptisé Au bout de mes rêves pour le marché français (Potato Dreams of America en VO), le réalisateur Wes Hurley raconte son enfance en Russie après la chute de l’Union Soviétique, sa relation avec sa mère, leur fuite pour les États-Unis et sa découverte de l’homosexualité. Contre toute attente, le film est une superbe comédie à l’humour acerbe et référencé, au sens de la mise en scène léchée qui, par sa générosité à toute épreuve, émeut autant qu’elle amuse. Au casting, Marya Sea Kaminski et Tyler Bocock impressionnent et donnent à cette relation mère-fils un goût tout particulier. Les plus observateurs noterons la présence de Jonathan Bennett, le beau gosse de Mean Girls, dans le rôle d’un Jésus un peu spécial.
« Please Baby Please », le 31 mars sur Mubi
Dans le Manhattan des années 50, un couple est témoin d’un meurtre affreux commis par une bande de voyous en tenue de cuir. Piégés par ces derniers, les deux protagonistes, pourtant amoureux l’un de l’autre, vont doucement remettre en perspective leur vision de la sexualité et de leurs désirs face au chef de la bande, jeune homme à la sensualité exacerbée. Esthétique léchée et style camp assuré sont au rendez-vous de ce premier film musical, extravagant et sexuel d’Amanda Kramer, qui investit des terrains rarement traités avec autant d’ardeur au cinéma. Au casting, Andrea Riseborough (nommée cette année aux Oscars pour To Leslie), Harry Melling (Harry Potter), Demi Moore et Karl Glusman (Love) forment un quatuor charnel qui charmerait n’importe qui.
SOURCE : komitid.fr