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 d’ADHEOS

La communauté homosexuelle du Sénégal vit de sales heures dans un pays où le code pénal condamne toujours «les actes sexuels contre nature.»
 
«On peut te bastonner jusqu’à la mort.» Au Sénégal, pays majoritairement musulman, on ne plaisante pas avec l’homosexualité. Quand les parents de Djamil, un jeune Dakarois, ont compris la véritable identité sexuelle de leur fils, ils l’ont chassé de la maison familiale. «Cela fait presque 19 ans que je n’ai plus eu de contacts avec mes parents. J’en ai encore un peu avec quelques frères…»
 
La discrétion n’est pas un choix, c’est une obligation. «La plupart vivent en cachette. Peu se montrent. Alors, ils n’ont pas d’activités rémunératrices et se lancent dans la prostitution.» Pourtant Djamil assume. Son témoignage, il nous le livre sans exiger l’anonymat, en acceptant d’être pris en photos. Aujourd’hui, il milite afin de faire évoluer les mentalités et, pourquoi pas, la constitution. Mais son parcours ne peut laisser insensible: les humiliations, les menaces verbales ou physiques font partie de son quotidien. «Nous rêvons tous de l’Europe ou des États-Unis. Mais là vie qu’on peut avoir là-bas, on veut l’avoir ici…»
 
Au Sénégal, l’homosexualité est punie par loi. On peut encourir jusqu’à 5 ans de prison pour «un acte impudique ou contre nature avec un individu de son sexe» selon l’article 319 du code pénal.
 
Pays progressiste, le Sénégal semble pourtant peiner à assumer sa communauté LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres). Et, dans les faits, les arrestations et emprisonnements se vérifient. Souvent, les couples homosexuels sont dénoncés. Par leurs voisins, par leurs parents… «On peut te déloger à cause de ton orientation. Moi, la première fois, c’était en 2008. Les gens de mon quartier, dirigés par le chef, ont saccagé et brûlé ma maison.» Pour sauver sa peau, pendant trois mois, Djamil a tenté de se faire oublier. « Une association française m’a sorti et m’a mis à l’abri. Sinon, je risquais de me faire lapider.»
 
Depuis le déclenchement de cette violence, Djamil en est à son quatrième logement. «J’ai vécu toutes les merdes: on m’a jeté des pierres, on m’a battu. Ma différence ne justifie pas qu’on doive s’armer contre moi.»
 
Le Sénégal «doit se civiliser»
 
L’arme de Djamil, c’est la confiance. De croire que son pays peut progresser sur le dialogue. «L’homosexualité existe dans toutes les sociétés. Dire que ça ne fait pas partie de nos valeurs, c’est une insulte. Une nation comme la nôtre doit s’organiser et se civiliser.»
 
Il n’est pas seul dans son combat: le réseau se structure. «Il existe 23 associations qui veulent s’entendre sur leurs statuts.» L’État les a partiellement reconnues «à condition qu’on ait comme objectif la promotion de la santé, pas de l’homosexualité.» Au-delà de cette forme hypocrite de tolérance, Djamil garde son âme de militant «pour que le Sénégal puisse dépénaliser l’homosexualité. Pour abroger article 319 alinéa 3.» Mais au prix de combien de coups reçus, de pierres meurtrières et d’emprisonnement abusif?