NEWS
Les actualités
 d’ADHEOS

 Hier, pour la première fois, un ancien déporté homosexuel a reçu la Légion d’honneur. Une cérémonie qui a permis à Rudolf Brazda de témoigner une nouvelle fois de son calvaire face à des collégiens.
 
 La République aura mis le temps, mais elle y a mis les formes. Hier, Rudolf Brazda, probablement le dernier triangle rose encore en vie, a reçu la Légion d’honneur. Décernée ce week-end sur le contingent de François Fillon, la distinction lui a été remise dans un collège de Puteaux (92). Et tout le barnum des cérémonies du genre avait été déployé: cortège avec jeep militaire et traction, portrait géant de De Gaulle devant le collège, haies d’honneur d’anciens combattants et d’ados pour une arrivée au son du Chant des partisans, le tout en présence d’élus et de personnalités. Parmi eux, le conseiller régional d’Ile-de-France Jean-Luc Romero (lire son discours), la députée-maire UMP de Puteaux, Joëlle Ceccaldi-Raynaud (condamnée par le passé pour diffamation homophobe…), l’ancien résistant René Aubrac et Marie-José Chombart de Lauwe, Présidente de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation.

 
 
Après la diffusion d’un petit film à la gloire de la municipalité de Puteaux, Marie-José Chombart de Lauwe a pu ouvrir la cérémonie, et rappeler que les nazis «avaient une image bestiale de l’homosexualité, qu’ils considéraient comme une maladie et une perversion. Dans les camps, les homosexuels ont subi les pires crimes, des castrations, des expérimentations médicales ou des lobotomies.» Surtout, elle a estimé que «la mémoire oubliée des triangles roses était enfin reconnue et transmise».
 
«Au nom de tous ceux qui ont souffert»

 
Pour Rudolf Brazda, 98 ans, c’est peut-être l’essentiel. Même s’il se déplace péniblement, il témoigne toujours infatigablement de son histoire, pour la transmettre à tout prix aux jeunes générations et briser l’amnésie collective. Avant même d’être promu Chevalier de la Légion d’honneur, il avait prévu une visite dans ce collège, pour dialoguer avec les ados. Et après avoir reçu sa distinction, «au nom de tous ceux qui ont souffert», il a répondu aux questions d’élèves de 4e et de 3e.
 
Pour eux, ce pan de l’histoire du nazisme, quasi absent des manuels scolaires, était souvent méconnu, et sa découverte a été un choc. Leur prof d’histoire a longuement travaillé en amont, préparé une exposition sur les déportations des homosexuels, et avoue avoir été agréablement surpris par l’implication de ses classes. La voix fatiguée, Rudolf Brazda leur a raconté son calvaire, ses arrestations en Allemagne puis en Tchécoslovaquie, son arrivée à Buchenwald en 1942 et le souvenir qui ne l’a jamais quitté de la désinfection qu’il a subie le premier jour, son dégoût pour «l’hypocrisie» des nazis, le jour où il a échappé aux marches de la mort juste avant la libération du camp, ou son retour à la vie, avec son compagnon, à Mulhouse.
 
«Marque de civilisation»
«Si on ne l’avait pas rencontré, on n’aurait rien su de tout ça, expliquent trois collégiens à l’issue de la cérémonie. Maintenant, il faut qu’on en parle aux autres, pour que cela se sache.» Coutumier des cérémonies en honneur aux victimes de la guerre, René Aubrac avoue n’en «avoir jamais vécu une comme celle-là. En revenant de déportation, nos camarades ont évoqué les triangles roses, puis ils ont été oubliés. C’est une grande marque de civilisation de les reconnaître.»
 
Reste à savoir si cette reconnaissance ira jusqu’à une place officielle pour les hommages aux Triangles roses dans toutes les cérémonies de la Journée nationale du souvenir de la déportation, le dernier dimanche d’avril.