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 d’ADHEOS

En République démocratique du Congo, l’absence de loi réprimant l’homosexualité n’est pas synonyme d’un quotidien sans insultes ni agressions. Alors si certains s’assument, parfois avec le soutien de leur famille, beaucoup préfèrent rester dans l’ombre. Zoom à l’occasion de la Journée internationale contre l’homophobie qui est célébrée le 17 mai.
 
« J’avais 8 ans quand j’ai été attiré pour la première fois par un garçon », raconte Daniella, un coiffeur de 23 ans. Longtemps après ce premier coup de cœur, sa famille, cherchant à confirmer ses doutes, a fini par lui demander s’il était gay. « J’ai dit la vérité. Je ne me cache pas, je ne suis pas hypocrite ! Aujourd’hui, mes parents sont habitués. Ils ne m’appellent plus Daniel, mais Daniella ».
 
Vicky, 24 ans, ami de Daniella, a pour sa part été très soutenu par son père et sa mère, qui l’ont encouragé à s’accepter tel qu’il était. Mais l’histoire des deux « copines » demeure l’exception en République démocratique du Congo, l’un des rares pays du continent – avec l’Afrique du Sud ou encore le Rwanda voisin – qui ne pénalise pas les relations entre personnes du même sexe.
 
Un rejet quasi systématique
 
Souvent, les homosexuels sont rejetés et beaucoup survivent en se prostituant. Ils ne se protègent pas toujours : soit parce que les relations sans préservatif sont payées plus cher, soit parce que, bien que considéré comme un groupe très à risque dans le plan national de lutte contre le sida, les campagnes de grande envergure font défaut, favorisant l’ignorance sur les dangers encourus.
 
Un militant gay surnommé « Justice Walu » qualifie d’hypocrite le rejet des homosexuels en RDC, où malgré les immenses richesses deux tiers des habitants vivent avec moins de deux dollars par jour. « Ceux qui ont financièrement réussi semblent être tolérés », mais « ce n’est qu’une façon hypocrite d’accepter l’homosexualité, car le jour où ces personnes n’ont plus un sou, elles sont méprisées », tance-t-il.
 
Les difficultés quotidiennes des homosexuels
 
Travailler ne protège pas toujours. « Ça m’est déjà arrivé de me faire huer, qu’on me crie que je suis un sorcier, que je menace l’humanité… Mais je suis fier d’être ce que je suis ! », s’énerve Vicky, vendeur de vêtements. Reste qu’excédé par l’hostilité, il compte lancer un maxi single au titre évocateur : « Ça ira ». « Je parle de l’amour et de la situation des gays, de comment on nous maltraite. »
 
Arthur*, lui, se protège en bridant ses désirs. « J’ai peur de ce que vont dire ma famille, mes amis, mon entourage. Je ne suis pas bien dans ma peau », confie ce basketteur bisexuel de 30 ans très affecté par le départ de co-équipiers écœurés par son homosexualité. D’autres s’exilent à l’étranger, cumulent les prières pour essayer vainement de changer, ou se marient à une personne du sexe opposé.
 
De rares espaces de liberté
 
Dans le même temps, de nombreux gays et lesbiennes se rencontrent dans des bars et boîtes de nuit où leur présence est tolérée par les hétérosexuels. Autre « lieu » de drague : Internet. S’y sentant plus libres, quelques femmes sortent de leur réserve sur la page Facebook « Lesbienne à Kinshasa », où elles échangent leurs numéros de téléphone, postent des photos suggestives, partagent leurs pensées intimes.
 
« Il ne faut pas avoir honte d’exprimer ta sexualité si tu es avec celle que tu aimes, même si dans la société les autres te rejettent », écrivait en décembre Emily. Toutefois, généralement, les lesbiennes optent pour la discrétion, constate Sirius*, une adepte du mouvement raëlien, considéré comme une secte en France, mais qu’elle juge « proche de [ses] convictions personnelles ».
 
Menaces et violences
 
L’homosexualité de Sirius est un tabou familial. Dans la rue, en revanche, son style vestimentaire et sa carrure lui valent une désapprobation constante. « Presque tous les jours dans la cité, ce sont des regards, des insultes, la stigmatisation… ». En 2007, la journaliste de 31 ans au visage juvénile raconte avoir échappé à un groupe qui voulait la violer afin de lui « donner le goût des hommes ».
 
Toutes n’ont pas pu s’enfuir. « En juin dernier, une fille ouvertement homosexuelle a été droguée et violée par des gens qu’elle connaissait dans un quartier périphérique de Kinshasa », se souvient Françoise Mukuku, une militante à la tête d’une des rares organisations défendant les droits des homosexuels de RDC. Filmées, les images de l’agression lui ont été envoyées ainsi qu’à tout son quartier.
 
Puis, les menaces sont arrivées. « Elle n’a eu pour seule solution, après avoir été chassée de la maison familiale, que de se prostituer pour survivre, avant de quitter le pays, poursuit Françoise Mukuku. Elle nous a raconté son traumatisme chaque fois qu’elle revoyait la vidéo faite d’elle. C’était vraiment incroyable que tout le monde se moquait de ce qui lui était arrivé : un viol, c’est un viol ! Et c’est contre les soi-disant valeurs africaines ».
 
L’homosexualité pénalisée en RDC ?
 
Des valeurs que le député Ejiba Yamapia disait défendre en 2010 avec son projet de loi pénalisant l’homosexualité, resté sans suite. Fin 2013, Steve Mbikayi a déposé un texte du même ordre, qui ne figure pas à l’agenda de cette session parlementaire. Amina le regrette. « L’homosexualité est un crime dans nos mœurs africaines ! C’est le Blanc, l’Occidental, qui nous a amené ça. Emprisonner les homosexuels, ça peut les aider à changer. »
 
Alors que le projet de loi a ravivé l’homophobie, Justice Walu met en garde. « Les droits de l’homme posent déjà un sérieux problème en RDC (…). Les homosexuels ne sont pas violentés physiquement en général dans le pays, mais il y a des violences verbales, morales, et des cas isolés de chantage ainsi que de menaces. Il ne faut pas voter une loi qui risquerait de légitimer ces actes et qui pourrait aboutir à des agressions plus violentes. »