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 d’ADHEOS

Le 17 mai 2013, le Conseil constitutionnel a validé la loi ouvrant le mariage civil et l’adoption. Un an plus tard quel bilan ? Quelles perspectives ?
 
Des 7.000 mariages célébrés en 2013 : moins d’une dizaine ont donné lieu à une résistance de maires que l’on peut qualifier d’homophobes (un maire qui refuserait de marier une personne à cause de sa couleur de peau serait qualifié de raciste donc appeler un chat un chat – ces maires ont cru devoir saisir la Cour européenne d’un recours contre le rejet le 18 octobre 2013 d’une question prioritaire relative à la "clause de conscience".
 
Seuls les ressortissants de 11 pays qui ont signé des conventions bilatérales avec la France se sont vus refuser la célébration du mariage, de sorte que la Justice a été saisie. La Cour de cassation doit rendre prochainement une décision qui devrait devenir la référence en ce domaine. Elle validera vraisemblablement l’analyse qui a permis d’écarter, au nom de l’ordre public, la stipulation de la convention internationale en cause afin de permettre la célébration du mariage.
Le divorce : qui dit mariage dit possible divorce depuis 1975. Quelques divorces ont été prononcés y compris pour des couples qui s’étaient mariés à l’étranger avant le vote de la loi. Les juridictions ont fait application des mêmes règles que pour les couples hétérosexuels qui divorcent.
 
L’adoption : la loi du 17 mai 2013 en ouvrant le mariage a ouvert l’adoption et plus précisément deux possibilités : soit l’adoption d’un enfant par un couple marié sans enfants, soit l’adoption de l’enfant du conjoint.
 
  • Pour l’adoption d’un enfant par un couple sans enfant, aucun chiffre n’a été communiqué ; on peut penser que les demandes ont été marginales lorsque l’on sait qu’en 2012, il a eu environ 600 adoptions d’enfants français (pour plus de 30.000 foyers en attente de pouvoir adopter). Il est raisonnable de penser que les couples de personnes de même sexe empruntent rarement cette voie, sachant, en outre, que la possibilité d’adopter à l’étranger est très restreinte.
 
  • Pour l’adoption de l’enfant du conjoint : environ une centaine de dossiers ont été déposés. Une trentaine jugée favorablement. Seul le tribunal de grande instance de Versailles a, le 29 avril 2014, refusé l’adoption en considérant que le fait de concevoir un enfant par procréation médicalement assistée (PMA) à l’étranger serait une fraude à la loi. La Cour d’appel de Versailles est saisie de cette jurisprudence heureusement isolée. A Toulouse, ce sont trois décisions favorables, rendues par le tribunal de grande instance de Toulouse, qui ont fait l’objet d’un appel du procureur car selon lui les jugements seraient insuffisamment motivés. Savoureux moyen soulevé par le procureur lorsque l’on sait que l’article 353 code civil prévoit expressément la non motivation d’un jugement d’adoption. Les mois à venir sont importants car ils vont dessiner l’évolution de la jurisprudence, et l’on sait déjà que la Cour de cassation sera amenée à se prononcer, voire au delà la Cour européenne des droits de l’homme, tant le sujet est important pour des dizaines de milliers d’enfants, des dizaines de milliers de familles.
 
Le maintien des liens entre l’enfant et le parent social : la loi du 17 mai a modifié le texte de l’article 371-4 du code civil qui donne au juge le pouvoir de maintenir les liens entre l’enfant et un tiers (c’est le mot utilisé dans le texte). La pratique judiciaire montre qu’il existe des difficultés importantes pour le parent social séparé du parent légal avec lequel il a "eu" un enfant dans le cadre d’un projet parental commun, à voir les liens maintenus. Les juridictions ont des approches différentes. Il peut être très difficile de faire entendre auprès des juridictions, qu’au delà du droit, le fait que l’enfant ait été élevé par le couple de personnes de même sexe souvent durant plusieurs années, se soit structuré dans cette famille, "impose" que les liens soient maintenus. Il s’agit là d’une situation humaine difficile et les justiciables concernés sont en souffrance.
 
La situation de ces hommes qui ont accepté de participer au projet parental de deux femmes et qui souhaite jouer un rôle dans la vie de l’enfant après l’avoir reconnu tandis que le couple de femmes ne veut pas de sa présence. Les tribunaux appliquent le droit commun et considèrent que l’homme qui a reconnu l’enfant est légalement le père de l’enfant, il a donc des droits et des devoirs ce qui lui permet de bénéficier d’un droit de visite et d’hébergement et l’oblige à verser une contribution à l’éducation et l’entretien de l’enfant. L’ouverture de la PMA en France limiterait considérable ce type de situation potentiellement explosive.
 
L’accès à la procréation médicalement assistée : La PMA n’a jamais figuré dans le projet de loi mariage et aujourd’hui elle n’est plus à l’ordre du jour tant le gouvernement a peur des anti égalités et autres réactionnaires. Ainsi après que Madame Vallaud Belkacem ait pris publiquement position durant la campagne présidentielle de 2012 pour l’ouverture de la PMA, en 2013 et 2014, le gouvernement n’a cessé de faire tantôt un pas en avant puis un pas en arrière. Aujourd’hui sa position est clairement affirmée par le Premier ministre et la ministre déléguée à la famille : il n’y aura pas de PMA pour les couples de femmes ou les femmes seules, reprenant à leur compte une position extrêmement conservatrice et éminemment critiquable.
 
Ironie de l’Histoire dans le même temps, la Belgique a, le 16 avril 2014, modifié son code civil et adopté le principe d’une présomption de parenté pour les couples de femmes mariés qui ont bénéficié d’une PMA. Ainsi le nouvel article l’article 325/2 du code civil belge prévoit que : "L’enfant né pendant le mariage ou dans les Trois cents jours qui suivent la dissolution ou l’annulation du mariage, a pour coparente l’épouse". Ce simple exemple montre qu’il est parfaitement réalisable de mettre en place une telle présomption de parenté avec deux avantages considérables. D’une part la présomption de parenté assure une sécurité juridique de l’enfant né d’une PMA et ce dès sa naissance ; d’autre part cela désengorgerait les tribunaux de milliers de procédures d’adoption qu’ils vont devoir traiter ce qui est appréciable en ces temps d’austérité budgétaire imposée par la technostructure.
 
Politiquement la question de l’ouverture de la PMA est figée dans le boniment réactionnaire alimenté par la cathosphère intégriste et fachisante, qui déverse des torrents de bêtise et de haine sur les réseaux sociaux et qui occupe allègrement l’espace médiatique. Il reste aujourd’hui, pour faire bouger les lignes de la Loi sur la PMA, la voie judiciaire, ce qui ne saurait tarder puisqu’un couple de femmes s’apprête à saisir la Justice de la discrimination dont elles sont l’objet.
 
Enfin la question de la transcription des actes de naissance dont on soupçonne les parents d’avoir eu recours à une gestation pour autrui n’est toujours pas réglée. On peut même dire qu’elle s’est durcie sur le plan politique avec une hystérisation du débat (qui interdit tout débat) et sur le plan judiciaire avec deux arrêts rendus par la Cour de cassation le 13 septembre 2013 qui valident un refus de transcription de l’acte d’état civil . Deux recours ont été déposés devant la Cour européenne contre ces deux arrêt. La Cour européenne devrait statuer dans l’année qui vient ; elle pourrait juger que le refus de transcription constitue une violation du droit de l’enfant à mener une vie familiale normale, indépendamment de son mode de conception car la Cour européenne n’est pas dogmatique, loin s’en faut. Elle a une approche très concrète des situations, surtout lorsqu’il est question d’enfant.
 
Ces imperfections et ces questions qui demeurent sans réponses satisfaisantes montrent que les combats politiques demeurent d’actualité : ils seront alimentés par la controverse judiciaire.