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 d’ADHEOS

Se «libérer» de son homosexualité serait possible grâce à une simple «thérapie réparatrice» qu’offrent encore aujourd’hui des organismes québécois. Une assertion que dénonce avec véhémence l’Alliance Arc-en-ciel de Québec dans un mémoire présenté jeudi au ministère de la Justice.
 
«L’Alliance revendique un changement dans les lois; nous voulons qu’il soit écrit noir sur blanc que "tout traitement visant à changer l’orientation sexuelle d’une personne" […] soit interdit, et ce, pour l’ensemble de la population», peut-on lire dans un mémoire déposé dans le cadre de la consultation publique sur le Plan d’action gouvernemental de lutte contre l’homophobie et la transphobie 2017-2022. «Ces traitements ne doivent en aucun cas être présentés comme des services de santé, et nous exigeons qu’un professionnel reconnu qui se trouverait coupable d’un tel traitement pseudo-scientifique qui s’apparente davantage à de la torture psychologique perde le droit de pratiquer.»
 
Des thérapies du genre, il n’en existe pas beaucoup au Québec, précise Louis-Filip Tremblay, directeur général de l’Alliance Arc-en-ciel. Mais «ça ne devrait pas exister, tout simplement», ajoute-t-il.
 
«Services» cachés
 
Parmi les organismes québécois dénoncés dans le mémoire (dont Campagne Québec-vie et Thérapie chrétienne Outaouais), Le Soleil s’est intéressé à Ta Vie Ton Choix à cause de son site Web facilement accessible et très transparent. Car M. Tremblay le mentionne, tous les organismes offrant la «thérapie réparatrice», aussi appelée thérapie de conversion, n’affichent pas aussi ouvertement leurs «services».
 
«Bien qu’un grand nombre de personnes faisant l’expérience d’attraits homosexuels en arrivent à croire qu’elles sont nées ainsi, plusieurs autres pressentent que ces attraits sont apparus durant leur jeunesse, à la suite d’expériences personnelles, familiales ou sociales», est-il mentionné sur le site Web de Ta Vie Ton Choix. «Si la plupart cherchent à savoir pourquoi ces attraits surgissent en eux et d’où ils proviennent, certains, inconfortables, font un pas de plus et demandent une aide professionnelle pour s’y adapter (thérapie d’acceptation) ou pour en être libérés (thérapie de réorientation). […] TVTC [Ta Vie Ton Choix] fait connaître la réalité que des milliers d’hommes et de femmes motivés sont aujourd’hui libérés des attraits homosexuels contre lesquels ils luttaient jadis.»
 
Il est par ailleurs précisé que la thérapie, qui s’appuierait sur des «références scientifiques et empiriques», n’est pas infaillible, avec un taux de succès variant de 37 % à 82 %. «Le succès de la thérapie conduit l’ex-gai dans une situation similaire à celle de l’ex-alcoolique ou de l’ex-toxicomane. […] Il doit demeurer vigilant et reconnaître les facteurs qui sont susceptibles de lui faire amorcer une glissade vers ses anciennes habitudes», peut-on lire sur le site Web.
 
«Manque de ressources»
 
«On est encore dans la logique que l’homosexualité et la transsexualité sont une maladie», dénonce Louis-Filip Tremblay. Du même souffle, il se désole que des gens puissent ressentir le besoin d’en arriver là. «C’est un peu une preuve de manque de ressources.»
 
«Le vide juridique entourant les thérapies réparatrices est un incroyable terrain de jeu, particulièrement lucratif, pour les homophobes affirmant agir pour le bien des valeurs familiales», précise le mémoire. Un article publié en 2012 dans La Presse faisait d’ailleurs état de thérapies de conversion s’échelonnant sur deux ans à coup d’une heure de thérapie par semaine… pour un total de 12 000 $.
 
À noter qu’en juin 2015, l’Ontario a légiféré afin d’interdire aux médecins d’effectuer une thérapie de conversion pour traiter des jeunes de moins de 18 ans. Les adultes qui souhaitent suivre un traitement du genre doivent quant à eux le payer de leur poche, car l’assurance maladie gouvernementale ne couvre plus la thérapie.
 
Dans sa demande, l’Alliance Arc-en-ciel est pour sa part claire : elle recommande un changement dans les lois applicables à «l’ensemble de la population».
 
«On demande au gouvernement de s’y pencher. Regardez : ça existe sur votre territoire. Est-ce que vous voulez une société québécoise qui a ça? Je pense que la réponse de notre gouvernement serait un non», conclut Louis-Filip Tremblay.
 
Recommandations pour lutter contre l’homophobie
 
Le mémoire présenté par l’Alliance Arc-en-ciel de Québec à la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, fait au total 16 recommandations au gouvernement pour lutter contre l’homophobie et la transphobie. Il est notamment question des salles de bain non genrées, «un sujet sensible dans la communauté LGBT+», indique le mémoire. «Les membres de l’Alliance aimeraient beaucoup que le gouvernement envoie une directive claire aux commissions scolaires pour qu’elles offrent des toilettes neutres dans tous les établissements scolaires ou du moins offrent à tous la possibilité de choisir leur vestiaire et leur salle de bain selon leur expression de genre.»
 
Et dans le reste des endroits publics? «On n’est pas là comme organisme pour obliger les compagnies» à mettre en place de telles mesures, répond Louis-Filip Tremblay, directeur général de l’Alliance Arc-en-ciel de Québec. Mais «si des endroits comme les bureaux gouvernementaux commençaient à le faire, ça donnerait un message clair», lance-t-il.
 
Parmi les autres recommandations du mémoire, mentionnons celle de travailler à accroître la visibilité des personnes LGBT+ vivant en région et des personnes aînées LGBT+. Car selon l’Alliance, «c’est en investissant l’espace public et en allant à la rencontre de l’autre que la communauté LGBT+ réussit le mieux à combattre les préjugés et à ouvrir les esprits».
 
Internet et réseaux sociaux
 
Il est également conseillé au gouvernement de mieux intégrer le cyberespace et les réseaux sociaux, car «c’est sur Internet que les cas d’homophobie et de transphobie sont les plus flagrants ou plus justement, les plus visibles».
 
Le dépôt dudit mémoire à Stéphanie Vallée s’est fait à l’occasion du lancement de la Fête Arc-en-ciel de Québec, en présence de Jean-Yves Duclos, ministre fédéral de la Famille, des Enfants et du Développement social, et du maire Régis Labeaume.
 
Il s’agit d’un sixième mémoire reçu par le ministère de la Justice, alors que se terminait jeudi la période de consultation en vue de l’élaboration du Plan d’action gouvernemental de lutte contre l’homophobie et la transphobie 2017-2022. «On a l’impression que le gouvernement nous écoute. Ils ont envie de la faire avec nous, ce plan de cinq ans», se réjouit Louis-Filip Tremblay.
 
M. Duclos a quant à lui tenu à réitérer l’importance qu’accorde le gouvernement Trudeau à la lutte contre l’homophobie. «Le premier ministre, mon premier ministre, Justin Trudeau, a participé à trois marches de la fierté au Canada au cours des dernières semaines. Il s’agissait d’une première pour un premier ministre canadien. […] Le gouvernement canadien sera toujours un allié fort et fier de la communauté LGBT.»
 
Ce à quoi le maire Régis Labeaume a ajouté son propre message d’espoir : «Ne cessez pas de hurler qui vous êtes. Ne cessez pas de crier à la tolérance. Il est anormal complètement que la haine provienne de la non-acceptation de ce qu’un individu est dans son corps et dans sa tête. Ça ne se peut pas. Y’a pas un Dieu qui a amené ça. Y’a pas une société qui va endurer ça.»
Un premier défilé Arc-en-ciel
 
Le premier défilé de la Fête Arc-en-ciel de Québec, qui se tient jusqu’à dimanche, envahira la rue Saint-Jean vendredi, à 20h. Il ne s’agit pas en fait du premier défilé de la fierté gaie à Québec, mais bien du premier organisé par l’Alliance Arc-en-ciel de Québec. Le thème pour l’occasion : défilé des lumières. Alors tous sont invités à s’illuminer, mentionne Louis-Filip Tremblay, directeur général de l’Alliance. Samedi, la place D’Youville verra quant à elle Amélie Nault et The Lost Fingers en spectacle, et Le Cercle sera l’hôte dimanche, à 17h, d’une conférence portant sur les queers.