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 d’ADHEOS

 JUSTICE. «Je vais le tuer, ce sale pédé qui a le sida» avait déclaré un retraité, désignant le fils de sa compagne. Il a été condamné hier. La victime témoigne pour TÊTU.
 
 Déjà victime d’insultes et d’humiliations au sein de son cercle familial parce qu’il est gay et séropositif, Renaud, 31 ans, journaliste et militant chez Aides, a vécu l’altercation de trop le 19 août 2010. Ce jour-là, son beau-père, retraité de 63 ans, sort un revolver d’alarme et lance: «Je vais le tuer, ce sale pédé qui a le sida.» Motif de cette prise à partie: Renaud n’aurait pas assez bien récuré la douche après s’en être servi, allusion peu équivoque à une transmission redoutée du VIH. Renaud dépose plainte à la gendarmerie de Labatut, le petit village des Landes où il séjourne. Son beau-père lui laisse alors ce message sur son répondeur téléphonique: «Menaces de mort sur un pédé qui a le sida, ça va pas chercher loin, je leur ai dit aux flics, ils ont rigolé, ils ont bu un coup et ils sont partis en disant: “Qu’il aille se faire enculer ce sale pédé.” Pauvre con, va!»

 
 
Lundi, neuf mois après les faits, le tribunal correctionnel de Dax a reconnu coupable le retraité, le condamnant à cinq mois de prison avec sursis pour menaces de mort, avec circonstance aggravante liée à l’homophobie. A l’homophobie seulement, car la «sérophobie» n’est pas reconnue par la loi – alors même que, dans l’affaire, la séropositivité de Renaud semble bien à l’origine de l’altercation. Sans reconnaissance de ce délit, l’association Aides n’a pas pu se porter partie civile. Le Collectif contre l’homophobie, en revanche, a pu soutenir Renaud devant la justice. Celui-ci revient sur cet épilogue.
 
TÊTU: L’homophobie dans le milieu familial arrive rarement devant les tribunaux. Pourquoi est-ce un tel tabou?
Renaud: Devoir engager des procédures à l’intérieur du cercle familial est très douloureux, car les pressions sont très fortes. En ce qui me concerne, ma mère a tenté de m’en dissuader. Elle me disait que je mettais son couple en péril, elle me demandait pourquoi je lui faisais cela. Le plus dur  pour moi, c’étaient ses reproches.
 
 «Les mots du procureurs ont été très forts»
Mais je ne voulais pas que mon beau-père puisse s’en sortir sans être jugé. Et même si une partie de ma famille a fait pression sur moi, j’y ai trouvé aussi un immense soutien avec ma grand-mère maternelle, qui a toujours été mes côtés. Les parents de mon ami m’ont aussi beaucoup soutenu.
 
 
Vous êtes satisfait par la condamnation qui a été prononcée?

 
Je suis surtout soulagé que l’affaire ait été jugée, qu’elle n’ait pas été enterrée comme le prédisait mon beau-père. En me proposant d’être parties civiles, Aides et le Collectif contre l’homophobie m’ont aidé à tenir bon, j’avais moins peur de me retrouver seul devant mon beau-père. Et je suis satisfait qu’il ait reconnu les faits au cours de l’audience, alors qu’il les avait minimisés jusqu’alors. C’était important pour moi. Enfin les mots du procureurs ont été très forts, il a beaucoup insisté sur l’homophobie, il a souligné la souffrance que cela générait. Cette reconnaissance explicite dans l’enceinte du tribunal était importante. Le procureur n’a pas non plus éludé la question de la séropositivité, même si la sérophobie ne pouvait pas influer sur le verdict.
 
Justement, le fait que l’homophobie soit reconnue mais pas les insultes motivées par l’état de santé, est-ce une frustration?
Je ne suis pas frustré, disons plutôt déçu ou simplement triste. Car la violence qui vise les séropos existe. Dans mon cas, il est évident que ma séropositivité est à l’origine des insultes et des menaces, contrairement à ce qu’affirmait mon beau-père. Je pense à tous les séropos qui ne sont pas homos et qui ne peuvent pas invoquer de circonstances aggravantes. Mais toute cette affaire me donne justement envie de me battre pour que la sérophobie en fasse partie.
 
Aujourd’hui, où en sont vos relations avec votre mère?
J’espérais que le procès serait le point final à cette affaire, et qu’ensuite on pourrait renouer des relations normales. Mais entre temps, il y a eu ce courrier que ma mère a versé au dossier, dans lequel elle prétend que je suis à l’origine de l’altercation, que je n’ai jamais aimé mon beau-père… Après cela, je ne sais pas comment je pourrais lui pardonner.