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 d’ADHEOS

Une ballerine a remplacé la Bible. Quinze ans après le PACS, c’est une simple chaussure noire et plate qui deviendra, peut-être, l’objet totem des débats sur le projet de loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de même sexe. Un soulier de "jeune fille" brandi par l’UMP dans la nuit de jeudi à vendredi 19 avril comme le symbole innocent d’une "jeunesse qui chante" en manifestant son désaccord au texte face à des "CRS casqués et bottés".
 
Il est 0 h 45 à l’Assemblée : un incident d’une violence sans précédent vient d’éclater dans l’hémicycle et, salle des Quatre-Colonnes, l’on retrouve Philippe Meunier (UMP, Rhône) montrer avec force la fameuse ballerine à une presse nombreuse pour une heure si tardive, alors que Thomas Thevenoud (PS, Saône-et-Loire) et Hervé Mariton (UMP, Drôme) se disputent devant les caméras, pour savoir qui a traité en premier l’autre d’"assassin d’enfants" ou de "chien".
 
Scène surréaliste qu’il convient de sous-titrer. Quelques minutes plus tôt, le débat porte – encore – sur tout autre chose que le texte, à savoir sur le sit-in des "veilleurs" de "La Manif pour tous" sur l’esplanade des Invalides. Marc Le Fur (UMP, Côtes-d’Armor) assure alors avoir vu un manifestant "touché à la gorge" aidé par le député Nicolas Dhuicq (UMP, Aube), médecin de profession, puis une jeune fille "traînée" par des CRS. Et qui aurait donc, dans la bataille, perdu sa chaussure.
 
C’est à ce moment-là qu’un fonctionnaire assis derrière Christiane Taubira aurait "ricané" ou "soupiré", les versions divergent. Une grimace qui a provoqué l’ire des élus UMP – dont, surtout, d’Yves Albarello (UMP, Seine-et-Marne) – qui ont fondu sur lui, à deux doigts de déclencher une bagarre générale au cri de "ce n’est pas le lobby LGBT qui gouverne !".
 
Comme la garde des sceaux l’a précisé après, il ne s’agissait pas d’un membre de son cabinet mais de Laurent Vallée, directeur des affaires civiles et du sceau et futur secrétaire général de Canal+. En tentant de s’interposer, un huissier aurait reçu un coup, tandis que la garde des sceaux remontait avec prudence les marches de l’hémicyle pour s’éloigner du lieu de l’empoignade. M. Albarello se plaindra par la suite d’avoir été "agressé par les socialistes" qui lui auraient "cassé [ses] lunettes" : beaucoup à gauche justifieront son éclat par un abus de boisson.
 
"Cela fait trente ans que je siège dans cet hémicycle, je n’ai jamais vu ça", a assuré le ministre des relations avec le Parlement, Alain Vidalies, à la reprise de séance, avant de lire la dépêche AFP expliquant les conditions de l’intervention des CRS qui seraient intervenus à la demande des responsables de la manifestation. Avant lui, le président Claude Bartolone, depuis son perchoir, avait poussé un coup de colère, assurant que "rien ne justifie une telle descente avec une menace physique". "Nous ne sommes pas des collégiens qui avons des difficultés avec un regard de travers", a tonné le président de l’Assemblée nationale. Contre toute attente, ce dernier a tout de même décidé de pousser la séance jusqu’au bout de la nuit, afin d’en terminer.
 
Pendant l’heure et demie restante de temps de parole pour l’UMP, il n’a ensuite été question que de cet incident, du comportement des CRS et… de la fameuse ballerine perdue par la jeune fille, qui a fini par se manifester sur Twitter. Une fois le quota temps épuisé, Claude Bartolone a encore dû énumérer l’interminable liste d’amendements restants qui devaient être mis au vote, même si la droite ne pouvait plus les défendre. Derniers détails de procédure parlementaire qui ont poussé le débat jusqu’à sa fin, à 7 h 30 du matin, après de longues explications de votes – non comprises dans le "temps programmé" – devant des bancs socialistes presque vides. Ultime round mardi après-midi pour le vote solennel et définitif du texte.