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 d’ADHEOS

L’événement est historique: l’Assemblée nationale a adopté aujourd’hui, par 329 voix contre 229, le projet de loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de même sexe.
 
Historique! Même si ce n’est qu’une première lecture, si le Sénat doit encore examiner le texte (à partir du 2 avril) et donc peut-être renvoyer en deuxième lecture, le pas franchi aujourd’hui par l’Assemblée nationale est immense. Par 329 voix contre 229, les députés ont voté juste avant 17h le projet de loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de même sexe.
 
«L’opinion a évolué»
Avant les questions au gouvernement qui ont précédé la séance, Franck Riester (UMP) était confiant: «Quand la République aura reconnu ce type de famille, a-t-il dit dans la salle des “Quatre-colonnes” en parlant de ses collègues de l’opposition, leur vision pourra peut-être évoluer.» Vision confirmée par Yves Jégo: «La totalité de ceux qui vont voter contre regretteront leur vote demain». Par contre, Jean-Frédéric Poisson (UMP) croyait lui à une deuxième lecture à l’Assemblée: «Je n’imagine pas que le Sénat vote le texte conforme, trop de confusions et d’incohérences».
 
Pendant les questions au gouvernement, il y a déjà eu des auto-congratulations: Bernard Roman (PS) a félicité le gouvernement – «L’opinion a évolué durant ce débat», a-t-il dit. «L’homosexualité sera reconnue comme ce qu’elle est, une sexualité différente mais normale», et il a dit la fierté du groupe socialiste. Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a remercié les parlementaires pour leur travail: «Après deux semaines d’un grand débat dont vous pouvez être fiers, le Parlement a rempli son rôle. Le gouvernement est fier de cette réforme», a-t-il ajouté pendant que l’opposition scandait: «Référendum! Référendum!».
 
Ce vote «marquera l’histoire»
Puis vint l’heure de quelques «explications» de vote. Un représentant de chaque groupe parlementaire était invité à s’exprimer pendant cinq minutes à la tribune.
 
Pour le Parti socialiste, c’est Corinne Narassigiuin, responsable de la loi pour le groupe SRC, qui s’est exprimée: «La cohérence et la cohésion ont été exemplaires dans le groupe» s’est réjoui la députée des Français de l’étranger. Elle a rendu hommage au gouvernement, et regretté que l’opposition ait «participé à la désinformation». «C’est un vote emblématique, qui marquera l’histoire», insiste-t-elle.
 
«Un texte dogmatique»
Pour le groupe UMP, Hervé Mariton: «Votre projet est dogmatique, a-t-il dit à la majorité. Vous ravalez le mariage comme un simple contrat, (vous faites primer) le droit à l’enfant, vous masquez mal vos convictions pour la PMA et la GPA». Avant de conclure: «Nous voulons un texte plus beau, plus heureux, plus fécond, quand vous voulez une loi irréversible.»
 
Pour l’UDI, Jean-Christophe Fromantin a fait se lever de satisfaction les rangs de l’UMP en lançant que «la France mérite un tout autre projet. (Celui-ci) n’est pas acceptable car il remet en cause les fondements de la famille. Finalement, la victoire que vous recherchiez était d’abord symbolique. Mais le symbole engage l’avenir. Les enfants se demanderont d’où ils viennent, pourquoi ils n’ont pas de papa ou de maman.»
 
«Dans cet hémicycle bat le cœur de la démocratie»
Pour le groupe écologiste, Sergio Coronado a replacé l’événement dans son contexte: «Après quinze pays, la France va enfin ouvrir le mariage. Nous avons fait la preuve que dans cet hémicycle bat le cœur de la démocratie. Ce texte donne satisfaction à une revendication ancienne à laquelle le pacs ne répondait pas. Le pacs avait été acquis au prix du renoncement de l’égalité.»
 
Alain Tourret, pour le Parti radical de gauche, a été celui qui a suscité le plus de bruit dans les rangs de l’opposition: «Cette loi marquera l’histoire de la République. D’un côté le passé, certes respectables, mais qui reste le passé (huées du côté de l’UMP), et de l’autre, l’avenir porté par la jeunesse de France qui croit à l’égalité.» Il a insisté sur le fait que des amendements, «pour la première fois», avaient été cosignés à la fois par l’UMP et le FN. Il a terminé en citant l’ancien Premier ministre espagnol Zapatero: «Avec cette loi, la France sera plus Républicaine!»
 
«Enfants de plein droit»
Pour Marie-George Buffet et le Front de gauche, «Notre assemblée s’honorera d’instituer une avancée humaine, une fois de plus», a-t-elle dit en rappelant que c’est avec les voix de la gauche que les députés ont voté l’IVG, et bien sûr l’abolition de la peine de mort. Elle a rappelé l’exigence de la non-marchandisation du corps, réaffirmant son opposition à la GPA. «On ne vote pas le droit à l’enfant, mais un droit de tous les enfants d’avoir une famille. La loi permet d’avoir des perents de plein droit, pour être des enfants de plein droit.»
 
Puis le vote a eu lieu, très brièvement comme toujours, avec 568 votants dont 558 exprimés. 10 députés se sont donc abstenus, 329 ont voté pour, et 229 ont voté contre.
 
Christiane Taubira: «Tracer des chemins sur la mer…»
Aussitôt après le vote, la ministre de la Justice Christiane Taubira a fait un discours de conclusion. Elle a exprimé sa gratitude envers la majorité… tandis que l’UMP quittait la salle en guise de protestation. «Merci à tous pour ces jours et ces nuits passés ensemble, pour ces sourires, ces rires et aussi ces confrontations» s’est-elle amusée, suscitant de nouveaux rires dans l’assistance.
 
«Ce texte ne supprimera pas les jeux amoureux, ni chez les hétérosexuels, ni chez les homosexuels!» a-t-elle poursuivi, de plus en plus lyrique. «Et il restera beaucoup de femmes, messieurs, pour essayer de percevoir derrière vos carapaces la tendresse qui parfois vous habite!» Toujours sans notes, elle a cité Antonio Machado: «…Voir si vous êtes capables de tracer des chemins sur la mer…» Et a conclu: «En définitive, ce projet de loi nous a conduits à penser autrui, à consentir à l’altérité. Penser autrui, disait Emmanuel Levinas, relève de l’irréductible inquiétude pour l’autre. C’est ce que nous avons fait tout au long de ce débat.» Logiquement, la majorité lui a offert une nouvelle standing ovation.