L’ex-militaire, officiellement devenue Chelsea après avoir été condamnée pour le transfert de milliers de documents confidentiels au site WikiLeaks, réclame un traitement hormonal et menace de poursuivre le Pentagone en justice.
Un an après sa condamnation à 35 ans de prison pour la plus grande fuite de documents de l’histoire des Etats-Unis par le biais de WikiLeaks, Chelsea Manning exige de bénéficier d’un traitement pour changer de sexe, sous peine de traîner le Pentagone devant les tribunaux.
Tout au long de son procès en cour martiale, les troubles d’identité sexuelle de celle qui s’appelait alors Bradley Manning avaient émaillé les débats. Une photo intitulée «Mon problème», la bouche fardée et la tête couverte d’une perruque blonde, avait été projetée au tribunal.
Sa défense avait souvent invoqué cette fragilité pour expliquer l’état d’esprit dans lequel se trouvait le jeune analyste du renseignement en Irak lorsqu’il avait transmis plus de 700 000 documents confidentiels au site WikiLeaks, dont le fondateur Julian Assange a annoncé lundi qu’il quitterait «sous peu» l’ambassade d’Equateur à Londres où il vit depuis 26 mois.
Dès le lendemain de sa condamnation le 21 août 2013, le soldat Manning avait révélé au grand jour qu’il se sentait femme et voulait commencer un traitement «dès que possible». En avril dernier, il avait reçu l’aval d’un juge pour changer son prénom de Bradley en Chelsea, et un mois plus tard le Pentagone disait étudier des pistes pour la transférer vers une prison civile où elle pourrait bénéficier d’un traitement hormonal. Mais de la prison militaire de Fort Leavenworth au Kansas (centre) où elle est détenue, Chelsea Manning «ne reçoit pas le traitement (hormonal) qu’elle a demandé et rien n’indique que quoi ce soit change bientôt», explique à l’AFP Chase Strangio, avocat de la puissante Union américaine des libertés civiques, et fervent défenseur de Manning.
Obtenir un non-lieu
«Plus le temps passe, plus sa santé mentale et physique est en danger», s’alarme l’avocat. Pis, en n’obtempérant pas, le Pentagone «viole les droits de Chelsea Manning garantis par le huitième amendement de la Constitution» qui proscrit les peines «cruelles ou inhabituelles». Du coup, Chase Strangio menace de porter plainte au nom de Chelsea Manning contre les responsables du Pentagone chargés de sa santé et de son traitement si rien n’est fait avant le 4 septembre.
Interrogé par l’AFP, Wayne Hall, un porte-parole de l’armée de Terre américaine, a confirmé que le commandement de l’Armée avait donné son feu vert «à un traitement médical pour un détenu atteint de troubles de l’identité sexuelle», sans toutefois donner de précisions sur les modalités envisagées, car «chaque traitement dépend de chaque individu».
Mais la bataille juridique de Chelsea Manning devrait très bientôt se jouer sur un autre terrain, tout aussi incertain, puisque se profile à l’horizon la procédure d’appel de sa condamnation à 35 ans de prison. «Notre but est d’obtenir un non-lieu», explique à l’AFP Nancy Hollander, une avocate de la jeune femme. Car, argue-t-elle, Chelsea Manning a été condamnée en vertu de la Loi contre l’espionnage, un texte qui date de 1917. Or, «cette loi est destinée à poursuivre des personnes qui ont l’intention de s’attaquer aux Etats-Unis en commettant des actes d’espionnage et non pas des personnes qui révèlent des informations qu’elles pensent être d’intérêt public», s’insurge l’avocate.
Pour autant, elle pense que l’actualité pourrait jouer en faveur de sa cliente, grâce notamment aux révélations d’Edward Snowden sur l’étendue des programmes de surveillance de la NSA, l’Agence nationale de sécurité. «Les gens ont maintenant une image bien plus précise des intentions de notre gouvernement. Ça a aidé» Chelsea Manning, explique-t-elle.
- Source LIBERATION