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 d’ADHEOS

Désirs de familles», qui vient de sortir en librairies, donne largement la parole aux homoparents et leurs enfants. Le livre met l’accent sur les discriminations que la justice française leur fait subir.
 
Dans Désirs de familles, actuellement en librairies, Serge Portelli, magistrat et vice-président au tribunal de grande instance de Paris, et Clélia Richard, avocate et adhérente de l’Association des parents et des futurs parents gays et lesbiens (APGL), dénoncent avec force la discrimination subie par les familles homoparentales.
 
TÊTU: Pourquoi un livre sur l’homoparentalité?
Serge Portelli: Il y a d’abord des raisons intellectuelles. J’ai enseigné le droit de la famille pendant quinze ans. C’est un droit en constante évolution, et l’homoparentalité est certainement la question qui remue le plus. Mais c’est aussi un combat politique. Ces familles sont au cœur d’une discrimination juridique, inscrite dans la loi et exercée par les juges – tout comme l’apartheid! Pour moi, c’est un scandale.
Clélia Richard: C‘est Serge qui a proposé d’écrire ce livre. Nous nous étions rencontrés aux Etats généraux de la justice pénale en 2009. Puis, l’été dernier, j’ai demandé à Serge s’il accepterait un entretien pour le journal interne de l’Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL) dont je suis adhérente. Nous avons fini par écrire l’article ensemble. Et Serge n’a pas voulu s’arrêter là!
Serge Portelli: Nous étions sur la même longueur d’ondes. J’ai donc posé la question à mon éditeur, les éditions de l’Atelier – une maison catholique – qui, après réflexion, a accepté. Notre éditeur, Bernard Stéphan, avait envie de découvrir le sujet avec nous. Il a eu un rôle très important dans l’accompagnement du livre.
 
Vous avez choisi de donner largement la parole aux familles elles-mêmes. Pourquoi?
 
CR: Tout le monde a entendu parler de l’homoparentalité, mais le grand public ne sait pas très bien de quoi il s’agit. Nous voulions faire un livre qui parle à tous, pas un livre technique ni un livre de droit.
SP: Les entretiens rendent toutes ces questions plus charnelles. Nous en sortions souvent très émus. Il y a encore tellement d’ignorance sur la réalité de ces familles et ce qu’elles vivent, ce qui laisse place à des fantasmes. Alors que ces familles racontent la vie, tout simplement…
 
Vous avez intitulé le livre «Désirs de familles». Les opposants de l’homoparentalité accusent les gays et les lesbiennes de revendiquer un «droit à l’enfant». Pourquoi ce titre?
 
CR: Le débat autour d’un «droit à l’enfant» est un faux débat. Juridiquement, cela n’a aucun sens. Nous avions aussi le sentiment que la notion de «désir d’enfant» n’était pas tout à fait juste non plus, puisque cela plaçait l’enfant dans une position d’objet. Or il ne s’agit pas de cela, mais d’un désir de faire famille.
SP: Les familles sont plurielles. Il n’y a pas de modèle unique. Il suffit de regarder sa propre famille! Cela crève d’ailleurs tellement les yeux qu’on est obligé d’inventer un mythe…
 
Vous êtes tous les deux juristes. Quel regard portez-vous sur la justice et le droit face à ces familles?
 
SR: Aujourd’hui, les juges sont des instruments d’une discrimination inscrite dans la loi, comme au temps de l’apartheid: certains ont le droit de monter dans les bus et d’autres pas. La loi doit changer pour que la justice ne soit plus le véhicule d’une homophobie qui ne dit pas son nom.
CR: Je reçois des familles homoparentales dans ma pratique d’avocat. Il y a, chez certains juges, un rejet viscéral de l’homosexualité. Pour les familles, c’est révoltant. Si la loi change, je redoute que l’on construise de nouvelles catégories selon l’orientation sexuelle. Ce serait une grave erreur…
SR: Ça voudrait dire quoi? Que les Blancs et les Noirs ont désormais le droit de s’asseoir où ils veulent dans le bus, mais pas dans les mêmes?
 
Que préconisez-vous comme réforme du droit?
CR: L’accès aux mêmes droits pour tous, indépendamment de l’orientation sexuelle.
SR: Le fondement du lien de filiation doit être redéfini. C’est l’intention d’être parent qui doit déterminer la filiation, non pas le couple ou le lien génétique.