Une association pro-LGBT au Liban a dénoncé lundi des "menaces" de religieux ayant conduit à l’annulation d’un colloque prônant la diversité sexuelle, sujet encore sensible dans ce pays méditerranéen.
Cette annulation intervient au moment où une série d’évènements appelant à la lutte contre la discrimination sexuelle se tient cette semaine à Beyrouth à l’appel d’une plateforme baptisée Beirut Pride.
Une initiative "inédite dans le monde arabe", selon ses organisateurs. Dimanche, l’ONG Proud Lebanon (Liban fier) prévoyait d’organiser un colloque dans un hôtel de Beyrouth pour appeler à lutter contre la discrimination à l’égard de la communauté LGBT, avec la participation de journalistes, d’artistes et de médecins.
"Mais l’association des oulémas (théologiens) musulmans a menacé d’organiser des manifestations devant l’hôtel, qui a finalement annulé l’évènement", a affirmé lundi à l’AFP Bertho Makso, directeur de Proud Lebanon, ONG créée en 2014.
Sur leur page Facebook, les oulémas avaient diffusé dimanche un communiqué intitulé "le dernier avertissement" et qui appelait le ministère de l’Intérieur à "interdire" le colloque qu’ils dénonçaient comme un "crime contre la vertu".
"Si les autorités n’assument pas leur rôle, elles devront faire face aux conséquences de la mobilisation de tous ceux qui se soucient de la vertu et de l’honneur (…) pour interdire ce colloque", prévenaient-ils.
D’après Bertho Makso, l’hôtel a eu peur pour sa sécurité. "Il s’agissait de vraies menaces. Nous avons alors pensé organiser l’évènement dans un endroit public, mais qui pouvait garantir la sécurité des participants?", a-t-il poursuivi. Les oulémas se sont félicités sur Facebook de l’annulation de la réunion. –
Pas pour provoquer
Le colloque, organisé avant la Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie (IDAHO) célébrée le 17 mai, prévoyait la diffusion d’un documentaire sur des LGBT ayant souffert de discriminations au Liban. La conférence devait être axée sur l’importance du soutien des familles à leurs enfants LGBT.
C’est la deuxième année de suite qu’un tel évènement organisé par Proud Lebanon est annulé. En 2016, cette fois-ci sous la pression des autorités religieuses chrétiennes, un évènement qui devait réunir artistes et journalistes n’avait pas eu lieu.
"Il faut arrêter les persécutions. Les tendances sexuelles, c’est une chose privée", a plaidé Bertho Makso.
Le Liban est considéré plus "tolérant" à l’égard de l’homosexualité en comparaison à d’autres pays arabes, où les homosexuels peuvent encourir la peine capitale. Mais la police libanaise mène régulièrement des descentes dans les boîtes de nuit et autres lieux fréquentés par les homosexuels.
En outre, ces derniers font souvent l’objet de quolibets, en société comme dans des émissions télévisées. Les militants LGBT appellent à la suppression de l’article de loi 534 du code pénal libanais, selon lequel les relations sexuelles "contre nature" sont illégales, avec une peine allant jusqu’à un an de prison.
Des témoignages sur le recours à un "test" anal dans les commissariats de police pour les hommes sous prétexte d’établir leur orientation sexuelle avaient suscité l’indignation dans les médias et sur les réseaux sociaux.
Au cours des dernières années, des progrès ont toutefois été accomplis au niveau du combat contre la discrimination sexuelle, grâce à des initiatives de la société civile et à l’action des juges.
Plusieurs magistrats ont en effet décidé à plusieurs reprises d’acquitter des homosexuels en interprétant la loi et en estimant que l’homosexualité n’était pas "contraire à la nature".
A l’occasion de l’IDAHO, une plateforme de défense de droits de l’Homme et notamment des LGBT organise du 17 au 21 mai une série d’activités – films, débats, fêtes, témoignages – dans la capitale libanaise.
"On ne veut pas descendre dans la rue pour provoquer. Notre message est un message pacifique qui dénonce toute discrimination", a affirmé à l’AFP Hadi Damien, créateur de la plateforme Beirut Pride lancée en août. "Il faut transcender tous les labels. Ce n’est pas parce que l’autre est différent que c’est OK de le tabasser et de l’humilier’, a-t-il ajouté.
- SOURCE ELLICO