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 d’ADHEOS

Lesbiennes et féministes : Une identité qui ne va plus de soi ?

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, nombreuses sont les lesbiennes qui refusent l’étiquette du féminisme en déclarant: «Je ne suis pas féministe, mais…». Qu’ont gardé les lesbiennes de 20 ans du féminisme des années 70, porté, en partie, par des lesbiennes ?
 
(photo AFP : Une manifestation féministe, la Slutwalk (ou «marche des salopes»  le 1er octobre 2011 à Paris.)
 
Les féministes ? «Toutes des lesbiennes» veut le cliché. Et les lesbiennes alors, toutes des féministes ? Contrairement aux idées reçues, certaines lesbiennes ne se réclament pas du tout du féminisme. C’est le cas d’Alice, une jeune lesbienne de 26 ans qui ne supporte pas cette assimilation: «Quand on est lesbienne, on attend de toi d’être féministe. Personnellement, je ne me reconnais pas dans ce schéma!» Si le principe d’égalité entre les hommes et les femmes est quasi unanimement reconnu, certaines femmes comme Alice rejettent pourtant le mouvement porteur de ce principe.
 
Noémie et Maryon, âgées de 24 et 25 ans et en couple depuis quelques mois, refusent elles aussi de porter cette étiquette. Maryon l’affirme: «Non, je ne suis pas féministe. En revanche, je suis favorable à l’égalité entre les hommes et les femmes». Dans ce cas, pourquoi ne se dit-elle pas féministe? «Parce que pour moi, cela consiste à donner une position de supériorité aux femmes. C’est donc une forme de sexisme inversé.» 
 
La crainte d’un féminisme «agressif» ou «extrémiste»
Même conception pour Alice et Leïla, deux lesbiennes de 26 ans: «Le féminisme est un mouvement extrémiste, voire anti-mec. D’ailleurs, les lesbiennes adhèrent souvent à ces mouvements agressifs et cela me semble complètement inapproprié en France.»
Comment expliquer ce rejet? Pour Christine Bard, historienne du féminisme et fondatrice du Centre des archives du féminisme à la bibliothèque universitaire d’Angers, les accusations d’agressivité lancées contre le féminisme relèvent du fantasme et de la reprise de préjugés largement répandus dans les médias. «On accuse systématiquement les féministes d’agressivité, avance-t-elle. Pourtant, quand on compare le féminisme à d’autres mouvements d’émancipation, c’est le mouvement le moins violent…»
 
Le féminisme, un combat dépassé ?
Autre grief reproché au féminisme? Il serait devenu «has been». Certaines lesbiennes ont en effet le sentiment que l’égalité est obtenue et qu’il n’y a plus matière à se battre aujourd’hui. Ce point de vue est notamment celui de Macha, une jeune homo de 28 ans: «L’égalité est acquise et le féminisme n’a plus lieu d’être». Pourtant, encore aujourd’hui, les inégalités demeurent nombreuses entre hommes et femmes.
 
Pour Christine Bard, le rejet du féminisme exprimé au travers de ces témoignages s’explique notamment par la dépolitisation qui concerne l’ensemble de la société, depuis une trentaine d’années. La fin des années 70 a effectivement vu l’essoufflement des groupes MLF, puis du mouvement des lesbiennes radicales et, selon l’historienne: «Cela a créé un fossé culturel entre lesbiennes des années 80 et celles qui ont 20 ans aujourd’hui».
 
«Les jeunes lesbiennes sont bien présentes»
Pourtant, la voix du féminisme reste toujours audible. «La pensée de Monique Wittig, par exemple, continue de porter ses fruits au niveau intellectuel, décrit Christine Bard. Et dans les groupes féministes contemporains, les jeunes lesbiennes sont bien présentes: mais elles sont féministes et lesbiennes, et pas forcément ”lesbiennes-féministes”».
 
C’est le cas par exemple de Giulia, une jeune femme qui a participé, au printemps dernier, à une «marche des salopes» avec sa compagne. Elle justifie son engagement: «Aujourd’hui, nous avons encore beaucoup de raisons d’être féministes, puisque l’égalité est loin d’être acquise. En tant que lesbienne, il ne faut pas non plus oublier que le sexisme et la lesbophobie sont intrinsèquement liés.»