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 d’ADHEOS

La parole à : Christelle Foucault, présidente de la fédération sportive gaie et lesbienne (FSGL, à l’origine du colloque international "Sport et homophobie")
 
En cinq ans, la situation de l’homophobie dans le sport a-t-elle changé ?
Le constat est difficile à faire car il n’y a pas d’observatoire ni de chiffres qui établissent le nombre d’actes homophobes ou de violence qui existent. Il n’y a pas non plus de numéro de téléphone où il serait possible d’appeler pour témoigner. Il n’y a que SOS homophobie qui pourrait traiter les témoignages, mais cette association n’est pas spécialisée dans le domaine du sport. Du coup, on ne peut s’appuyer que sur ceux qui osent et qui font remonter l’info, on se base uniquement sur les témoignages quand il y en a.
 
Vous devez regretter ce constat…
Justement, pour remédier à cela, nous avons mis en place avec le ministère de la Jeunesse et des Sports un recensement qui est en phase de démarrage. Le principe est simple: il s’agit de recenser dans cinq départements les propos racistes ou homophobes sur la base des mêmes critères afin d’assurer une homogénéité. Cela permettra d’analyser la progression de l’homophobie dans le milieu sportif de manière concrète. Je pense que d’ici trois ans on aura suffisamment de recul pour en tirer des conclusions. Ne serait-ce que dans le langage courant et dans l’attitude des gens dans les tribunes, il y a des propos tenus qui n’ont pas lieu d’être. Pour ce qui est des sportifs, le colloque va servir a échanger sur ce sujet et à faire ressortir un tableau de cette situation.
 
La communauté homosexuelle est-elle mieux assimilée dans le monde du sport ?
Il y a des points positifs : la fédération sportive existe depuis 25 ans pour que les sportifs fassent du sport ensemble et n’aient pas peur… Or, la réalité d’aujourd’hui, ce n’est pas de dire que les homos font du sport ensemble, mais qu’ils sont intégrés dans le monde sportif en général, qu’il y a un vrai brassage. Notre slogan, c’est : faisons du sport ensemble et pas entre nous. Il existe 31 associations, pour 40 sports, qui dépendent de championnats traditionnels. Il y a une intégration dans les deux sens : les homos dans les féderations nationales, et les sportifs exterieurs qui viennent participer à nos compétitions. On est plus intégrés, et on intègre d’avantage : c’est une grande satisfaction, car c’est ce vers quoi on tend. On ne veut pas être perçus comme une federation communautaire, mais comme une federation qui s’ouvre a d’autres pratique, qui va à la rencontre de l’autre. On souffre encore un peu de préjugés.
 
Pourquoi avoir attendu cinq ans pour faire un second colloque ?
Il y a cinq ans, ce n’est pas nous qui avions organisé le premier colloque, mais l’université de Lyon, avec Philippe Liotard. L’idée d’un deuxième colloque est née l’année dernière, lorsqu’un sportif s’était fait refuser par un club à cause de son orientation sexuelle. À partir de cet événement, on s’est dit qu’il y avait encore des choses à faire, car on a l’impression que les choses bougent avec d’un coté les pouvoirs publics qui semblent vouloir faire quelque chose, et de l’autre des fédérations qui semblent faire des discriminations. Partant de ce constat d’impuissance et de paradoxe, on a voulu refaire un colloque pour voir comment tout cela s’articule et où on en est.
 
Quels sont les sports où s’exprime le plus l’homophobie ?
Malheureusement, parce q’il regroupe le plus grand nombre de pratiquants et de spectateurs, c’est le foot ou s’exprime le plus l’homophobie mais aussi le racisme primaire. Pas parce que c’est du football mais parce qu’il touche beaucoup de monde. Après, c’est beaucoup plus discret car cela concerne moins de monde, mais la fédération de handball n’est pas un modèle non plus et, concernant la fédération de basket, elle a signé notre charte "Homophobie et sport" à rebrousse poil…On ne peut pas dire que dans tel ou tel sport il y a plus de difficulté selon moi. Il y a des sports qui sont moins connus, moins médiatisés, donc on le sait moins.
 
Et quels sont les bons élèves de la lutte contre l’homophobie ?
La fédération de ski nous encourage dans l’organisation de notre colloque. La Fédération de karaté a, quant à elle, mis en place une sorte de charte citoyenne. Le golf reste très discret sur le sujet, il ne semble pas très concerné par la problématique. Quant au tennis, même si on a une Amélie Mauresmo "fer de lance", on n’a pas encore reçu la notification comme quoi ils ont signé la charte, donc c’est paradoxal… Il y a des clubs qui sont plus avancés que d’autres et qui essayent de faire bouger les choses. Il va falloir voir dans quelle mesure concrète les fédérations s’appliquent sur le terrain à veiller à un respect de l’autre, quelles que soient les discriminations. On va voir si oui ou non les choses évoluent. À partir du moment ou on en parle beaucoup, où les fédérations s’engagent, nous serons intransigeants, car tout va être peu à peu disséqué: leur attitude, leurs déclarations, cela va faire grand bruit, elles vont être sous le feu des projecteurs. Le travail passe par l’éducation, la formation et la sensibilisation. Et il y a beaucoup à faire car tous les entraineurs ne sont pas forcément sensibilisés ni concernés par le problème…
 
Pourquoi n’y a-t-il pas plus de coming out dans le milieu du sport ?
D’abord Il faut distinguer plusieurs niveaux. Pour ce qui est des sportifs professionnels, c’est très compliqué. Ils n’ont pas envie de prendre le risque de perdre leur carrière et leur rêves car lorsqu’un sportif va assumer son homosexualité, il va en quelque sorte "se sacrifier" pour faire avancer la cause, car après cela il faut pouvoir l’assumer. Cela peut se comprendre car malheureusement, suite à ce type de déclarations, les sponsors peuvent décider de ne plus suivre l’athlète sous prétexte qu’il a une vie privée qui n’est pas dans la norme et qui peut choquer. La FSGL a aussi pour but de lutter contre ces idées reçus. Nous voulons faire changer la mentalité des sponsors et du monde du sport en général qui n’est pas très ouverte. Cela s’explique aussi par le fait que les fédérations sportives ont à leur tête de vieux messieurs… Malgré tout les choses évoluent et des sportifs témoignent, mais cela reste très anglo-saxon. En France aujourd’hui, on connait peu de sportifs qui ont fait leur coming out, et pour les faire venir au colloque, ce n’est pas simple. Pour eux, participer au colloque, c’est s’associer à une cause, et ils ne le veulent pas car ils ont peur qu’on leur colle une étiquette après et qu’on ne retienne plus que leur orientation sexuelle et non leur performance sportive.
 
Un colloque dans trois ou quatre ans, suite aux chiffres qui tomberont, c’est possible ?
Oui, je pense qu’il faudra avoir des chiffres pour pouvoir alimenter un nouveau bilan. L’idéal serait de faire dans trois ans un colloque sur comment lutter contre les discriminations par la pratique sportive.
On peut espérer qu’il n y ait pas trop d’autres étapes intermédiaires car le plus tôt on éradique les discriminations dans le sport, le plus tôt on sera satisfait.