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 d’ADHEOS

 «Nous ne savons plus ce qui est normal», écrit une élue UMP de l’Isère pour se plaindre de la politique municipale. Une tribune qui a mis le feu aux poudres…
 
 C’est une étrange tribune libre qu’a reçu le bulletin municipal de Fontaine, petite ville de l’agglomération grenobloise. Le texte est l’œuvre d’Evelyne de Caro, présidente du groupe d’opposition UMP. Quand il le reçoit, le maire communiste Yannick Boulard fait un bond. Il sait son adversaire agressive, parfois limite dans ses propos, mais pas à ce point:
  
«Nous ne savons plus ce qui est normal»

 
«Notre groupe a l’impression que lecture après lecture des Rive Gauche (le journal municipal) et ce depuis votre nouvelle élection, pour être considérés sur la commune, nous devons être des sans-papiers, d’origine étrangère, homosexuels, pacsés, aimer l’art moderne uniquement, avoir la carte du parti ou comme certains de vos élus avoir été à droite pendant des années et devenir socialiste depuis trois ans, etc, etc», écrit l’élue municipale (photo ci-contre).
 
 «Nous aimerions que vous interveniez un fois de plus en Conseil municipal, reprend-elle, pour nous indiquer ce que vous proposez lorsqu’on est pas forcement de gauche, français ou d’origine européenne, en situation complètement régulière, hétérosexuel, aimant l’art dans toute sa splendeur, marié, divorcé ou veuf, en d’autres termes, nous aurions dit “normaux”, mais depuis toutes vos publications, nous ne savons plus ce qui est normal ou pas!!!»
 
Incitation à la haine
Conclusion de l’expertise juridique que le maire demande à une société de conseil: la tribune ne doit pas être publiée, puisque «mieux vaut risquer une annulation suite à un recours pour abus de pouvoir qu’une condamnation pénale». Le maire, en tant que directeur de la publication, encourt en effet un an d’emprisonnement et 45.000 euros d’amendes pour «incitation par support écrit à l’homophobie et à la haine raciale».
 
Yannick Boulard notifie sa décision de refuser le texte dans un mail envoyé le 22 mars à Évelyne de Caro, indignée: «Dès que vous êtes mis face à certaines réalités, immédiatement les propos sont qualifiés d’injurieux et de discriminatoires! Qu’y a-t-il comme contre-vérités dans mon texte?» Joint par téléphone par les Inrocks, elle n’en démord pas: «C’est de la censure, du politiquement correct! On est catalogué dès qu’on est de droite. Je suis la seule du Conseil municipal à être fontainoise de souche, je connais la réalité du terrain. Eux ne connaissent pas la vie des gens. Et puis, moi-même d’origine sicilienne, pourquoi voulez-vous que je fasse du racisme?» 
 
«Je ne suis pas homophobe»
Tout juste reconnait-elle une maladresse: avoir utilisé le mot «normal» en opposition aux homosexuels et aux étrangers. «J’ai voulu dire ‘ordinaire’, se défend-elle, c’est-à- dire comme tout le monde, dans la masse…» Les homosexuels ne sont pas des gens ordinaires?
 
«Je ne suis pas homophobe, c’est eux [la majorité] qui les stigmatisent en dépensant énormément d’argent pour les campagnes anti-homophobie. Alors qu’ils ne font rien pour les vrais sujets, comme ce groupe de jeunes qui s’est approprié la place Louis-Maisonnat.»
 
«Quand je lis ça, j’ai envie de pleurer»
Yannick Boulard met les pieds dans le plat lors du Conseil municipal du 28 mars en distribuant aux élus la tribune du scandale pour justifier son rejet. Le ton monte, les élus de gauche tirent à boulets rouges sur Evelyne de Caro, comme l’écologiste Sébastien Teyssier: «Malheureusement, on s’habitue presque à la stigmatisation des étrangers parce que cela se produit au plus haut niveau de l’Etat. Quand je lis ça, j’ai envie de pleurer. Je voudrais rappeler à Mme de Caro que des milliers d’homosexuels ont été exterminés dans les camps de concentration. Je transmettrai ce texte à des associations de lutte contre l’homophobie.»
 
Les deux autres élus UMP, Christian Faure et Giovanni Montana, restent solidaires des écrits de leur collègue. Quelques jours plus tard, le journal local publie un article relatant l’ambiance tendue du Conseil municipal. L’affaire éclate au grand jour. À la mairie, on dit avoir reçu dès le lendemain quantité d’appels et de courriers d’habitants scandalisés. Certains promettent même de porter plainte contre l’élue.