La cour de cassation donne raison au salarié pacsé du Crédit Agricole, conséquence au moins 20000 couples de même sexe peuvent demander à bénéficier de l’application rétroactive sur 5ans de cette jurisprudence en France.
Le long combat d’un Thouarsais pour l’égalité entre pacsés et mariés vient d’aboutir à un nouvel arrêt. L’Europe lui avait déjà donné raison.
Le Thouarsais Frédéric Hay, employé de banque à Saintes, doit savourer l’arrêt rendu par la Cour de cassation, chambre sociale, en date du mercredi 9 juillet. Il y est écrit noir sur blanc, qu’elle casse et annule toutes les dispositions de la cour d’appel de Poitiers du 30 mars 2010 et condamne le Crédit agricole mutuel de Charente-Maritime et des Deux-Sèvres aux dépens.
Ce n’est évidemment pas la somme de 3.000 € que la société devra payer, qui retiendra l’attention de Frédéric Hay. Mais bien la reconnaissance de son statut de pacsé. Au même niveau que celui de marié.
Un interminable bras de fer dans toutes les juridictions
Qu’avait osé demander Frédéric à son employeur ? Simplement l’attribution de jours de congés et d’une prime habituellement accordés au personnel en cas de mariage, par la convention collective nationale du Crédit agricole. Pacsé le 11 juillet 2007, avec son compagnon, Frédéric a alors mené un interminable combat. Son objectif, faire reconnaître l’égalité entre pacsés et mariés.
La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (la Halde), le conseil des prud’hommes, la cinquième chambre de la cour de justice européenne (CJUE) implantée au Luxembourg… au fil des années, son dossier voyage, toujours porté par un homme convaincu de ses droits. Un homme convaincu aussi que son combat doit aboutir à la conclusion qu’il se trouve bien dans une situation comparable à celle d’un homme qui se marie.
Un homme convaincu encore que son orientation sexuelle ne peut faire l’objet de mesures discriminatoires. Au même titre que son origine, son sexe, ses mœurs, son appartenance ou non à une nation, une ethnie, une race, ses opinions politiques, syndicales ou religieuses son apparence physique, sa santé, son handicap… Et la liste ne saurait être exhaustive.
Rémunération, mesures d’intéressement, formation, reclassement, qualification, promotion professionnelle, mutation professionnelle… aucun salarié ne peut être écarté de l’une de ces procédures, du fait de ses choix.
C’est ce qu’a visiblement entendu la Cour de cassation. Notamment parce qu’avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 mai 2013, ouvrant le mariage aux couples de même sexe, les personnes concluant un pacte civil de solidarité se retrouvaient bien dans une situation identique à celle des salariés contractant un mariage. Jours de congés et prime ne pouvaient échapper à l’application de cette règle.
Avant-gardiste
Après l’Europe, la Cour de cassation vient de rendre justice à Frédéric. Cette nouvelle étape, après un interminable bras de fer judiciaire, apparaît aujourd’hui comme une évidente conclusion, notamment depuis la loi validant le mariage pour tous.
Le conseiller commercial et délégué syndical a su mener un combat avant-gardiste en s’opposant aux discriminations existant encore à l’époque entre personnes mariées et pacsées. Dans l’espoir de leur abolition.
" Une victoire très importante "
Contacté hier, Frédéric Hay ne cache pas sa satisfaction après l’arrêt rendu par la Cour de cassation. « Cette jurisprudence va permettre à tous les couples pacsés de même de bénéficier de l’égalité des droits en terme de congés et de versements de primes. »
L’employé de banque se réjouit d’autant plus, que cette décision pourra bénéficier à tous les pacsés des cinq dernières années : « Si vous comptez environ 160.000 pacs par an en France, sachant que 6 % concernent des personnes de même sexe, si vous multipliez par trois ans et demi, vous arrivez à environ 20.000 bénéficiaires. »
S’il ne revendique pas à tout prix la qualité de porte-parole des couples de même sexe, Frédéric Hay ne cache une certaine fierté quelques semaines avec ce jugement : « J’ai le sentiment que cette jurisprudence pourra bénéficier à tous les couples concernés en Europe. C’est d’autant plus important que l’homophobie reste très marquée dans le monde du travail. C’est aussi fondamental, parce qu’en Europe de l’est ou en Italie par exemple, le mariage n’est pas accessible pour tous. Il existe l’équivalent de notre pacs et cet arrêt qui touche le droit du travail s’applique dans tous les pays européens. »
Si Frédéric accorde une trêve des confiseurs à sa propre DRH, convaincu qu’à la rentrée cet arrêt s’imposera de fait, il savoure toute la valeur philosophique de ces conclusions de la Cour de cassation : « Plus la société évolue vers des choix qui permettent de lutter contre la discrimination, plus cette société grandit. »
dates clés
Une démarche judiciaire de plus de six ans
> 11 juillet 2007. Frédéric Hay conclut un Pacs avec son compagnon : il demande à son employeur, le Crédit agricole de Charente-Maritime et des Deux-Sèvres, l’octroi de la prime de mariage (2.637,85 €) et des jours de congés spéciaux (879,29 €) accordés au salarié qui se marie conformément à la convention collective nationale de la banque. Refus.
> 11 février 2008. La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité recommande au Crédit agricole d’étendre le bénéfice des avantages à l’occasion d’événements familiaux liés au mariage aux employés pacsés.
> 17 mars 2008. Le Thouarsais saisit le conseil de prud’hommes de Saintes.
> 10 juillet 2008. Le Crédit agricole modifie sa convention collective nationale, étend aux employés pacsés les avantages des mariés. Accord de branche non reconduit en 2010.
> 13 octobre 2008. Les conseillers prud’homaux rejettent la demande de Frédéric Hay.
> 30 mars 2010. La cour d’appel de Poitiers confirme le jugement prud’homal.
> 23 mai 2012. La Cour de cassation estime que refuser un avantage à un salarié pacsé en matière de rémunération et de conditions de travail prévu pour un collaborateur marié constitue une « discrimination indirecte ». Elle demande son avis à la Cour de justice de l’Union européenne rendu le jeudi 12 décembre 2013.
> 9 juillet 2014. Arrêt de la Cour de cassation annulant celui de la cour d’appel de Poitiers et condamnant le Crédit agricole mutuel de Charente-Maritime et des Deux-Sèvres aux dépens et à payer 3.000 € à Frédéric Hay.
- Auteur : Jean-Michel Laurent
- Source : Nouvelle République