Le magazine SportWeek sort en kiosque en Italie chaque samedi. La dernière Une mettant en scène deux rugbymen s’embrassant a suscité de vives réactions sur internet.
Giacomo et Stefano, couple à la ville et sur le gazon sont deux joueurs de rugby au sein de Libera Rugby à Rome, la première équipe de rugby gay-friendly italienne. Depuis le 11 juillet dernier, les beaux bears sont devenus célèbres en s’affichant, en train de s’embrasser, à la Une de l’hebdomadaire SportsWeek, vendu chaque samedi avec le quotidien sportif italien Gazetta dello Sport. A titre de comparaison, il s’agit de l’équivalent du quotidien sportif français L’Équipe et son supplément L’ÉquipeMag. Un baiser qui fait polémique dans une Italie encore trop conservatrice et une grande première pour le magazine habitué à des images de Une plus «traditionnelles».
Pour accompagner la photo du baiser gay, le magazine a choisi le titre «Chi ha paura di un bacio?», «Qui a peur d’un baiser?». Le site anglais PinkNews, rapporte les différents propos issus des réseaux sociaux: beaucoup de personnes ont considéré la couverture comme «un choix courageux» et un «acte révolutionnaire». Pour d’autres, «C’est absolument dégoûtant», comme l’a tweeté un fan de la revue en colère. «Vous êtes douloureusement conformiste et idéologique», lui a rétorqué un autre. «Dites-moi comment j’explique cette couverture à mon fils de 5 ans», se demande une internaute. «Je n’ai pas peur», a écrit un utilisateur de Twitter en réponse à la question sur le baiser des deux hommes en titre de la revue, «mais beaucoup d’Italiens peuvent l’être, et c’est la peur et l’ignorance qui créent l’homophobie», ajoute-t-il.
L’hebdomadaire espère avec cette couverture et le dossier à l’intérieur – «Fuori Dall’ Ombra» («sortir de l’ombre» en français) – faire tomber un des tabous de l’Italie encore présent en 2015: l’homosexualité dans le milieu sportif. Plusieurs pages sont consacrées à des sportifs.ves déjà out comme le plongeur Greg Louganis, la joueuse de tennis Martina Navratilova, ou le basketteur Jason Collins. Le célèbre cliché de l’attaquante américaine Abby Wambach, embrassant sa petite amie Sarah Huffman après la victoire des Etats-Unis en finale du dernier mondial de football féminin a été repris dans SportWeek parmi les 18 pages consacrées à l’homosexualité dans le sport. Le revue met aussi en avant l’équipe de rugby gay friendly Libera Rugby de Rome, dont Giacomo et Stefano qui illustre la ouverture de la revue sont membres.
Sur le site italien ilgiornale.it, Fabrizio Marrazzo, porte-parole du Centre gay en Italie donne son point de vue sur cette couverture. Selon lui, «c’est un choix révolutionnaire pour le sport italien et d’une grande importance pour le message qu’il veut transmettre, pour éliminer les préjugés, même dans le sport»: «Ce serait un message encore plus fort si Matteo Renzi, président du Conseil des ministres en Italie, décidait de proposer aux deux joueurs d’être les protagonistes d’une future campagne contre l’homophobie, pour briser le silence de ce gouvernement et prendre des initiatives de communication anti-homophobie», conclut Fabrizio Marrazzo.
L’ITALIE TERRE D’HOMOPHOBIE?
L’homosexualité, cependant, reste une question controversée dans le pays catholique. L’Italie est un pays d’Europe occidentale qui ne reconnaît pas encore le mariage homosexuel ou les unions civiles. PinkNews a interviewé début juillet, un membre du gouvernement italien, Ivan Scalfarotto, qui a entamé une grève de la faim afin de faire avancer les lois pour la communauté LGBT notamment pour que les unions civiles soient enfin autorisées. Ivan Scalfarotto n’est pas seul à se mobiliser: fin juin 2015, cent mille Italien.ne.s ont envahi les rues de Milan, lors de la dernière marche pour l’égalité, défilant avec des pancartes pour dire «Oui aux unions civiles homosexuelles». La semaine dernière, le nouveau maire de Venise, Luigi Brugnaro (centre-droit) a interdit 49 livres pour enfants dans les écoles de la cité lacustre, dont des ouvrages sur l’homosexualité et sur les familles homoparentales. Cette nouvelle avait provoqué de vives réactions.
Pour les italianophones intéréssé.es par la revue SportWeek, il est possible de la lire gratuitement sur son site.
- SOURCE YAGG