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 d’ADHEOS

La présidente d’Amnesty International France, Geneviève Garrigos, revient sur le saisissant rapport de son ONG sur la situation des LGBT en Turquie et fait le point sur les récentes gay prides européennes.
 
 Amnesty International en ordre de marche. L’ONG de lutte pour les droits de l’homme, qui fête ses cinquante ans cette année, a publié le 21 juin «Ni une maladie, ni un crime: les LGBT de Turquie demandent l’égalité». Ce rapport (couverture ci-contre, représentant une gay pride à Istanbul) raconte le calvaire de LGBT victimes de discriminations, de harcèlement, d’agressions physiques. «Au cours de la seule année 2010, les associations LGBT ont recensé 16 meurtres de personnes probablement tuées en raison de leur orientation sexuelle ou identité de genre supposée», souligne Amnesty, qui accompagne son rapport d’une vidéo saisissante. Ce document est sorti alors que plusieurs pays européens ont célébré leur marche des fiertés dans un climat plus ou moins détendu…

 
 
TÊTU: Les auteurs du rapport s’attendaient-ils à des problèmes d’une telle ampleur?
Geneviève Garrigos: On avait déjà des témoignages mais nous ne nous attendions pas à des problèmes d’une telle ampleur. Nous nous félicitons d’avoir sorti un rapport et d’avoir lancé une campagne de mobilisation et de pétition. Notamment pour que les législateurs turcs prennent des dispositions pour garantir la non-discrimination, que ce soit à l’école, au travail ou dans la santé. Nous allons faire du lobbying au niveau officiel, de nos autorités et des gouvernements qui sont en lien directement avec la Turquie pour qu’eux-mêmes fassent avancer ce dossier et obtiennent du gouvernement turc des mesures concrètes.
 
«A chaque fois que j’étais à un pride en Europe centrale, l’ambassade de France a vraiment marqué son soutien.» Amnesty était présente à la Marche des fiertés de Paris, le 25 juin. En Europe centrale et orientale, organiser une gay pride n’est pas toujours facile…
On s’aperçoit aujourd’hui que – que ce soit au niveau des migrants, au niveau des Roms, ou vis-à-vis des LGBT – la vision de certains groupuscules politiques, voire idéologiques ou religieux, est que ces personnes ne sont pas dans la normalité. Quand on voit la montée des extrêmes, et notamment de l’extrême droite, les revendications de certains intégrismes religieux, c’est clair que les personnes LGBT sont une cible. D’où le nom de notre rapport sur la Turquie: «Ni une maladie, ni un crime».
 
Les gay prides de Bratislava (Slovaquie) et Budapest (Hongrie), à laquelle vous avez personnellement assisté, se sont bien déroulées. Comment l’expliquez-vous?
On constate de plus en plus qu’avec le soutien de différentes ambassades des pays de l’Union européenne, les forces de police encadrent bien ces marches et font tout ce qui est nécessaire pour protéger ces jeunes gens, ou moins jeunes, qui défilent. Y compris l’ambassade de France, qui a marqué son soutien à chaque fois que j’étais à un pride en Europe centrale (entretien réalisé avant l’arrestation de militants devant l’ambassade de Russie en France, NDLR). A Budapest, c’est vrai qu’à un moment donné le cortège a dû être dévié parce qu’il y avait des groupuscules néo-nazis qui attendaient sur une place. Mais on a pu marcher pratiquement pendant trois heures, ce qui est exceptionnel!
 
Si ailleurs les prides n’ont pas lieu ou se passent mal, est-ce le résultat d’un manque de soutien de l’Union européenne?
De mon expérience, la volonté européenne est là, mais ce qui diffère c’est vraiment la volonté politique locale d’aller si nécessaire à l’encontre d’une partie de leur population, qui est très définitivement discriminatoire et homophobe. L’année dernière, par exemple, j’étais à Vilnius (Lituanie, NDLR). Jusqu’au dernier moment on ne savait pas si on allait marcher: certains hommes politiques bloquaient tout le dispositif de sécurité pour des raisons purement idéologiques. Des difficultés sont survenues cette année en Russie, en Serbie et ailleurs. Mais ce qui est très encourageant, c’est qu’en Union européenne, il y a chaque fois des gens qui viennent de différents pays qui viennent. Donc il y a vraiment une solidarité qui se crée autour de ces questions d’orientation sexuelle et de marche des fiertés.