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 d’ADHEOS

Malgré la condamnation de la France par la CEDH, es centaines de familles attendent toujours la transcription des actes de naissance étrangers, révèle «Libération».
 
Le 19 janvier dernier, le ministère des Affaires étrangères a adressé à une vingtaine de consulats français à l’étranger (aux États-Unis, au Canada, mais aussi notamment en Russie, en Ukraine ou en Inde) un «rappel concernant les dossiers de GPA», révèle Libération. Ce courrier indique aux officiers d’état civil la marche à suivre en cas de suspicion de gestation pour autrui, afin de refuser la transcription des actes de naissance des enfants, même si la GPA est légale dans le pays de naissance.
 
La France a pourtant été condamnée en juin 2014 par la Cour européenne des droits de l’Homme justement pour cette raison (lire La CEDH condamne la France pour son refus de reconnaître des enfants né.e.s par GPA) et avait renoncé à faire appel. Le Quai d’Orsay encourage pourtant les officiers d’état civil à contourner la loi.
 
QUAND L’OFFICIER D’ÉTAT CIVIL SE FAIT POLICIER
«L’officier d’état civil sollicité pour l’enregistrement (dressé) ou la transcription de l’acte de naissance d’un enfant doit, en cas de suspicion de recours à la gestation pour autrui, saisir le parquet de Nantes en se référant aux préconisations de l’instruction générale relative à l’état civil consulaire et de la fiche réflexe “Gestation pour autrui” sur Diplonet», peut-on lire dans le courrier publié par Libération. La «fiche réflexe» dont il est question, mise à jour le 3 août 2011, soit bien avant l’arrêt de la CEDH ou la validation de la circulaire Taubira de janvier 2013 par le Conseil d’État, préconise de se méfier en particulier lorsque les parents font preuve d’une «volonté de retour précipité en France». L’officier d’état civil doit procéder à un entretien avec le ou les parents d’intention, si possible séparément, et avec la «mère supposée porteuse».
 
«Avec ce courrier (…), ces officiers refusent de transcrire dans notre état civil français les actes de naissance des enfants qui sont nés de GPA à l’étranger, explique la journaliste de Libération Catherine Mallaval sur le site du quotidien. Et ça, ça a une conséquence grave pour les enfants. Le fait d’avoir un acte de naissance qui a bien été enregistré à l’état civil français permet ensuite de figurer sur un livret de famille. Or un livret de famille, ça sert à quoi? Ça sert à dire j’existe et voici qui sont mes deux parents, qui étaient mes grands-parents, bref d’avoir une filiation.»
 
L’INDIGNATION DES ASSOCIATIONS
Ces révélations n’ont pas manqué de susciter des réactions de plusieurs associations qui militent pour la reconnaissance en France des enfants né.e.s par GPA à l’étranger. «À l’heure où la France doit rendre des comptes en la matière auprès du Conseil des ministres européens chargé de surveiller l’exécution des arrêts de la CEDH, ce Conseil pourra ainsi constater que non seulement la France n’a pas bougé d’un iota depuis sa condamnation, mais les directives qu’elle a depuis initiées bafouent impunément les décisions judiciaires pourtant définitives!, s’indigne l’Association des familles homoparentales (ADFH). Baser la protection d’un enfant sur la suspicion des conditions de sa naissance relève d’un autre temps et n’est pas digne d’une République. Ce sont ces magouilles du Quai d’Orsay qui rendent ces enfants fantômes (…).»
 
«Ce dispositif abject de discrimination des enfants nés par GPA qui viole leurs droits fondamentaux comme l’a rappelé la CEDH fonctionne encore à 100%, renchérit l’association C.L.A.R.A, créée par les époux Mennesson, à l’origine d’un des arrêts de la CEDH. En effet, que ce soit par le biais des consulats où sont adressées les demandes de transcription de l’état civil des enfants nés à l’étranger ou ensuite par le biais du procureur adjoint de Nantes censé statuer sur les cas litigieux (et dont l’autorité de tutelle est aussi le ministère des Affaires étrangères), absolument aucune demande ne débouche dès qu’il y a le moindre début de suspicion de GPA au motif d’arguments plus fallacieux les uns que les autres: attente d’instructions de la part du ministre de la Justice (à qui aucune demande n’a été pourtant envoyée), interprétation des arrêts de la CEDH qui ne nécessiteraient pas la transcription, ordre public… Faut-il rappeler que c’était le ministère des Affaires étrangères qui représentait la France quand elle s’est fait condamner par la CEDH? Visiblement la gifle n’est pas acceptée et certains rêvaient de pouvoir continuer discrètement à désobéir.»
 
Plusieurs autres dossiers ont été transmis à la Cour européenne des droits de l’Homme par l’avocate Caroline Mécary. Une nouvelle condamnation de la France est à prévoir.