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 d’ADHEOS

Quand sa femme a accouché de leur premier enfant, Isabelle a peu profité du bonheur de l’instant: la mairie a refusé que cette femme transgenre apparaisse comme mère sur l’acte de naissance, en l’absence de loi sur la question.

Depuis 2016, la loi autorise le changement de sexe à l’état civil sans justifier d’une opération ou d’un traitement médical. Mais aucune mise à jour des droits de filiation ne prend en compte la possibilité de procréation (par PMA ou par voie charnelle) par deux personnes de même sexe. Sans loi, les parents trans sont soumis à chaque naissance aux décisions des notaires, de l’état civil, ou sont obligés de passer par la case tribunal pour être reconnus en fonction de leur genre.

Projetant d’avoir un enfant par le biais de la PMA, Isabelle (prénom modifié) avait fait congeler ses gamètes mâles avant son opération de changement de sexe. “J’ai dû me faire reconnaître en mairie comme ‘tiers déclarante et épouse'”, déplore-t-elle. Afin d’éviter de devoir aller devant les tribunaux, le couple a dû “trouver un notaire prêt à signer un acte de reconnaissance d’une PMA sans donneur”, explique Isabelle.

Pour les familles choisissant la voie de la justice, le parcours peut être long. En témoignent les huit ans de procédures judiciaires auxquelles Claire et Marie (prénoms modifiés) ont fait face. En 2014, ces deux mères accueillent leur troisième enfant, le premier conçu après la transition de Claire à l’état civil. Sur l’acte de naissance, Claire, désormais femme mais ayant conservé son appareil reproducteur masculin, devait s’enregistrer en tant que parent adoptif de l’enfant qu’elle a pourtant conçu.

Des alternatives ont été évoquées au tribunal de première instance: reconnaître Claire en tant que père de l’enfant, faisant ainsi primer les organes reproducteurs sur l’identité de genre, ou mentionner le changement de genre. Inacceptable aux yeux de la famille.

“Discrimination persistante” 

“Le vide juridique place les familles dans une situation de discrimination persistante”, blâme Cléo Carastro, à la tête de la commission parentalité trans de l’APGL (Association des parents gays et lesbiens). Cette impasse juridique aux yeux des défenseurs des parents trans concerne trois cas de figure: les pères trans accouchant de leur enfant, les parents trans ayant recours à la PMA avec les gamètes de l’un d’entre eux, et les mères trans ayant conçu leur enfant lors d’un rapport sexuel.

L’APGL, principale association s’adressant aux parents LGBT+, estime être entrée en contact avec 300 couples de parents trans.

Sans lien de filiation reconnu au moment de la naissance ou démarches auprès de l’Assurance maladie, impossible d’accorder un congé parental à des pères trans ayant accouché, par exemple. Grâce à la tolérance des administrations, l’enfant de Marie et de Claire n’a rencontré aucun problème lors de ses inscriptions à l’école. “Tout passait par Marie, et Claire cosignait, par présomption d’autorité parentale”, résume l’avocate du couple. “Mais en cas de décès ou de divorce, Claire n’aurait eu aucune autorité parentale”, constate Me Clélia Richard, qui a “l’impression de revivre ce qui se passait avec les parents homosexuels en 2013”, et les premières adoptions des parents de même sexe.

Les familles trans gardent l’espoir d’une évolution de la loi dans leur sens et ont enregistré une première victoire le 9 février, lorsque la cour d’appel de Toulouse a reconnu Claire comme mère biologique de l’enfant. Une première en France. Les associations défendant les droits des parents trans appellent à une réforme. “La filiation doit être établie conformément à l’identité de genre des parents”, a fait valoir Me Catherine Clavin, avocate et coprésidente de l’APGL. Elle espère que la décision rendue à la famille de Marie et Claire fera jurisprudence. “Huit ans pour reconnaître un lien de filiation est une atteinte grave! Surtout pour un enfant qui vit avec ses deux parents”, fait remarquer Me Clélia Richard.