Depuis deux ans, l’association de l’Est de la France prend la parole dans le milieu scolaire. Comment se passent ces interventions? Quelles sont les questions posées? Mathieu Gatipon-Bachette, le président de Couleurs Gaies, raconte.
Il y a deux ans, l’association Couleurs Gaies obtenait l’agrément lui permettant d’intervenir dans les lycées de l’académie de Nancy-Metz (lire «Couleurs Gaies en justice, ça paie»). Pour cela, il a fallu mener une bataille judiciaire: les objectifs de l’association, défaire les clichés sur l’homosexualité à l’école, avaient fait polémique à l’époque.
Sésame en poche, Couleurs Gaies multiplie désormais les interventions: depuis janvier, les militants ont sensibilisé plus de 1500 élèves à l’homophobie. Mais le travail des bénévoles ne se cantonne pas à la salle de classe, explique Mathieu Gatipon-Bachette, le président de l’association. L’intervention est l’objet d’une longue préparation en amont. D’une part parce que celle-ci ne peut se faire sans l’accord du chef d’établissement (l’association vient d’ailleurs d’en solliciter 300). Et d’autre part parce qu’il y a, comme l’explique le président, «une séance d’information préalable du personnel éducatif».
«Désamorcer les réactions hostiles»
Malgré le sujet un peu sensible, les bénévoles affrontent au final peu de réactions négatives: «On a beaucoup de réactions neutres, et l’hostilité est plutôt rare» détaille Mathieu Gatipon-Bachette. Pour se prémunir de tout débordement, la technique est simple: évacuer les insultes dès le début en les faisant inscrire au tableau, et ensuite recueillir anonymement une série de questions. Pas de tabou, chacun est libre d’exprimer son opinion. Les rires fusent facilement mais les élèves sont au final demandeurs d’information.
Ces heures d’interventions se font du lycée au collège en passant par l’école primaire. Les réactions sont évidemment très contrastées suivant les endroits. «Je ne dirais pas que les lycées généraux sont moins homophobes, mais disons que celle-ci s’exprime plus facilement dans les lycées techniques ou agricoles» mesure le président. Et d’ajouter: «C’est un peu cliché, mais les lycéennes ont tendances à être plus posées et plus ouvertes que les garçons».
«Travail de pédagogie»
Pour connaître l’impact de leur présence, les bénévoles distribuent deux questionnaires. Les questions sont les mêmes, le premier est donné en début de séance et le second, à la fin. Histoire de comparer les réponses. «En général on note une modification, mais celle-ci n’est pas forcément énorme, mais on a un bon sentiment général» explique Mathieu Gatipon-Bachette. «Dans un lycée des Vosges un étudiant est venu nous remercier à la fin, c’était presque un coming out, il évoluait dans un climat très difficile, on est très heureux d’avoir pu l’aider».
Quel bilan après deux ans? «Je dirais que les jeunes ne sont pas spécialement homophobes, mais qu’ils sont surtout sous-informés, un travail de pédagogie est à accomplir» résume le militant. Et pas seulement pour les élèves: «je me souviens d’un responsable académique plein de bonne volonté. Il voulait nous faire venir mais il n’a pas pu s’empêcher de me demander… de ne pas convertir les élèves» sourit-il. Façon de rappeler qu’il y a aussi beaucoup de travail à faire au niveau de la formation des maîtres et des professeurs.