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 d’ADHEOS

André Vingt-Trois a publié une prière où il affiche son attachement à la famille traditionnelle. Une manière pour le cardinal de se rappeler au souvenir des élus lors des débats à venir.
 
Alors que le gouvernement a récemment annoncé le vote d’un texte sur le mariage homosexuel au premier semestre 2013, l’Eglise catholique entend bien peser dans le débat. Le cardinal Vingt-Trois, cardinal et président de la conférence des évêques de France, a chargé les diocèses du pays de faire suivre aux paroisses une prière qui s’oppose implicitement au mariage homosexuel. Cette prière devra être lue le 15 août à l’occasion de l’Assomption. A la fin du texte, le cardinal Vingt-Trois rappelle sa vision de la famille : «(…) pour les enfants et les jeunes ; que tous nous aidions chacun à découvrir son propre chemin pour progresser vers le bonheur ; qu’ils cessent d’être les objets des désirs et des conflits des adultes pour bénéficier pleinement de l’amour d’un père et d’une mère.» Puis, il poursuit : «Seigneur notre Dieu, nous te confions l’avenir de notre pays. Par l’intercession de Notre-Dame, accorde-nous le courage de faire les choix nécessaires à une meilleure qualité de vie pour tous et à l’épanouissement de notre jeunesse grâce à des familles fortes et fidèles».
 
En préambule, le cardinal s’explique : «Compte tenu de la situation et des probables projets législatifs du gouvernement sur la famille, il me semble opportun de donner un signe national». Et d’ajouter : «On peut espérer que certains de nos fidèles seront sensibilisés, même parmi des parlementaires».
 
L’Église ne veut pas laisser le champ libre aux extrémistes
 
Le cardinal André Vingt-Trois n’a pas choisi la date de l’Assomption au hasard. Il renoue avec une vieille tradition, de nos jours délaissée. «En1638, Louis XIII avait fait le vœu de consacrer la France à la Sainte Vierge pour protéger le pays. La consécration se faisait principalement le 15 août, lors de l’Assomption», explique Eric Vinson, enseignant à Science Po et créateur du module «religion et société». «C’est un peu étonnant de renouer avec cette tradition de prier pour le pays car depuis 1945, et surtout le milieu des années 60, l’Église ne mettait pas du tout l’accent sur ce type de prières. Ce sont surtout les milieux les plus traditionnels voire conservateurs qui raniment ces pratiques depuis quelques années».
 
Jusqu’à présent, ce sont justement les catholiques conservateurs qui ont davantage donné de la voix contre la décision du gouvernement d’autoriser le mariage homosexuel. Cet appel à la prière tend à montrer que «les évêques ne veulent pas laisser ce champ aux extrémistes», analyse Eric Vinson. «Il s’agit pour l’Eglise de signaler qu’elle ne se désintéresse pas de ce type de sujets, mais que, bien au contraire, elle s’inquiète de la mesure législative qui se profile.»
 
Les évêques redoutent surtout l’adoption par les couples homosexuels
 
Derrière la question de l’autorisation du mariage pour tous, se pose celle de l’adoption d’enfants par un couple homosexuel. Question particulièrement redoutée par l’Eglise. «Si le mariage devient légal, la question de légaliser l’adoption sera aussi sur la table et cela semble plus grave encore aux yeux de l’Église», explique Eric Vinson.
 
Alors que la thématique s’est invitée au cours de la campagne présidentielle, un sondage BVA réalisé en début d’année, a révélé que 63% des Français sont favorables au mariage gay et lesbien et 56% à l’adoption par ces couples. Mais pour l’Église, «ça n’est pas parce qu’une chose existe qu’elle doit être institutionnalisée, poursuit le professeur. Dans les évolutions spontanées de la société, l’Église estime qu’il faut choisir.» Un discours dans lequel certains croyants ont du mal à se reconnaître. «Les catholiques non pratiquants pensent davantage comme la plupart des Français et sont pour le mariage gay mais, parmi les pratiquants, une grande majorité est contre.»
 
Si l’Église ne s’est jamais prononcée pour un parti politique plutôt qu’un autre, elle intervient de manière récurrente dans les débats de société, notamment lorsque ceux-ci touchent aux questions familiales. «Le but de l’Eglise est justement de faire peser sa vision de l’Homme. C’est sa raison d’être», analyse Eric Vinson. Reste à savoir si cette position aura un impact chez les politiques.
Nadine Morano : « la Vierge Marie […] ne rejette aucun de ses enfants »
 
Interrogée sur RTL lundi matin, Nadine Morano a indiqué qu’elle ne suivrait pas la consigne des évêques de France. L’ancienne ministre UMP, qui ne s’est pourtant jamais positionnée en faveur du mariage homosexuel, s’est dite «très attachée aux droits de tous les enfants», y compris «ceux qui sont élevés par des couples de même sexe». «La Vierge Marie […] ne rejette aucun de ses enfants», a-t-elle ajoutée.
 
Vendredi, le Parti de gauche a reproché à l’Eglise de «s’immiscer dans le débat politique en France». Dans son communiqué, le Secrétaire national du PRG chargé de la laïcité, Pascal-Eric Lalmy, a fait part de son inquiétude.
L’association homosexuelle chrétienne David et Jonathan se dit quant à elle «très affectée par cette prière». «Ça n’est pas la première fois que l’on entend ce type de discours de la part de l’Eglise», déplore Elisabeth Saint-Guily, membre du bureau national de l’association. «Le texte de prière est assez policé mais cache en réalité une profonde homophobie», poursuit-elle.
 
Pour les membres de l’association, il reste très difficile de concilier homosexualité et attachement à la chrétienté : «Certains sont en grande souffrance par rapport à ces contradictions», explique Elisabeth Saint-Guily. Cette position appuyée de l’Église est un coup dur pour l’association. «Le fait que l’Eglise maintienne cette position ne fera que conforter les catholiques homophobes dans leurs idées», regrette-t-elle. En réaction à cet appel d’André Vingt-Trois, des membres de l’association se retrouveront vendredi soir à la chapelle Sainte-Marie, à Paris, pour la lecture d’un texte alternatif.