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 d’ADHEOS

Après la sortie désastreuse de Caroline Cayeux sur “ces gens-là”, plusieurs de ses collègues ministres d’Élisabeth Borne tentent de fermer le ban des accusations d’homophobie en prétendant que la ligne du gouvernement parle pour tous ses membres sur les questions LGBTQI+. Or non, le débat n’est pas clos : le signal Cayeux vient seulement de l’ouvrir…

D’abord… D’abord, y a eu les mots de 2013, quand Caroline Cayeux était sénatrice, ce qui n’est pas rien. Au Palais du Luxembourg, elle s’est vivement opposée à l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, c’est-à-dire à l’égalité des droits pour les personnes LGBTQI+, en employant ces mots : “L’exigence du mariage homosexuel, et l’adoption des enfants qui va avec, n’est pas simplement un dessein qui va contre la nature. C’est plus grave”… Et puis il y a eu ces autres mots, ce mardi, quand, interrogée sur ce passé au micro de Public Sénat, la devenue ministre a dit : “Oui, je maintiens évidemment mes propos” – elle a bien dit évidemment, avant d’ajouter pour se défendre de toute homophobie qu’elle a “beaucoup d’amis parmi tous ces gens-là”

Au lendemain de cette sortie d’un autre âge, le bal des pompiers a dansé à plein tout ce mercredi 13 juillet pour défendre l’indéfendable. “On a droit à l’erreur une fois”, a plaidé sa collègue Olivia Grégoire sur LCI, sans préciser si dans le cas de madame Cayeux, ce joker avait été utilisé en 2013 ou bien ce mardi sur Public Sénat, ce qui fait déjà deux fois. “Les gens changent”, a-t-elle encore ajouté, comme si le tweet de regrets publié par l’intéressée, suffisamment vague pour qu’on ne sache même pas sur quoi porte précisément le mea culpa, était la marque d’une épiphanie survenue quelques heures à peine après avoir maintenu, à la télévision, des propos homophobes sur lesquels elle avait eu dix ans pour réfléchir, et non la marque d’un recadrage venu d’en haut. Le successeur d’Olivia Grégoire au porte-parolat du gouvernement, Olivier Véran, s’en est un peu mieux sorti en qualifiant ses propos d’“anachroniques”, avant d’asséner : “Caroline Cayeux a eu l’occasion d’ailleurs de clarifier ses propos dans un tweet hier, je pense que le débat est désormais clos”.

Cayeux, Darmanin, Béchu

Eh bien non, le débat n’est pas clos. Et le raisonnement d’Olivier Véran consistant à nous expliquer que “Caroline Cayeux, comme l’ensemble des membres du gouvernement, font partie d’un gouvernement et d’une majorité qui a démontré par les faits et par son action résolue depuis cinq ans qu’elle luttait contre les discriminations” et que “comme tous les membres du gouvernement, en s’inscrivant dans ce collectif gouvernemental [elle] s’inscrit donc dans la ligne qui est la nôtre”, est une laborieuse entourloupe. Alors quoi, Caroline Cayeux prétend qu’elle n’est pas homophobe puisque qu’elle a des amis “chez ces gens-là”, et ses collègues prétendent à leur tour qu’elle ne peut pas l’être puisqu’elle a des collègues ouverts sur la question ? On tourne en rond, dans un renversement invraisemblable de la preuve.

Le débat n’est pas clos car au lendemain de sa nomination, le 17 mai – journée mondiale de lutte contre les LGBTphobies – la nouvelle Première ministre Élisabeth Borne a fait cette promesse : “Je veux dire à toutes les personnes LGBT+ qu’elles trouveront en moi et mon Gouvernement un allié pour défendre leurs droits et lutter contre toutes les discriminations”. Au début du premier quinquennat Macron, la nomination de Gérald Darmanin, opposant assumé au mariage pour tous et qui avait tout de même promis qu’en tant que maire, il ne marierait aucun couple homo, avait déjà été pointée comme un mauvais signal sur le sujet. Et voilà que cinq ans plus tard, à l’heure de lancer un nouveau quinquennat, la Première ministre autoproclamée alliée des LGBTQI+ n’a trouvé personne d’autre pour le portefeuille des Collectivités territoriales qu’une septuagénaire considérant l’homosexualité “contre nature” ?

“Ces gens-là”

Non seulement le débat n’est pas clos, mais il ne le serait pas plus avec une démission de Caroline Cayeux. Car cette polémique ne doit pas cacher l’autre absurdité dans la composition de ce nouveau gouvernement, hors les deux cas déjà cités : la nomination de Christophe Béchu au poste de la Transition écologique. Lui s’était distingué durant le débat sur le mariage pour tous – également en tant que sénateur – par sa comparaison entre mariage des homos et… inceste : “Comment, demain, refusera-t-on à un frère et une soeur qui s’aiment la possibilité de se marier, quand on aura déjà fait tomber le tabou du mariage homosexuel ?”. Comme ceux de Caroline Cayeux, ses propos sont versés pour l’histoire aux archives de la République. Sa fibre écolo n’ayant sauté aux yeux d’aucun observateur, on est en droit de se demander si la nomination d’un tel profil à un poste crucial pour les années à venir, censé créer du consensus autour de la lutte contre le réchauffement climatique, n’est pas, pire qu’une erreur, une provocation.

lors, Olivier Véran a raison de dire que le bilan du premier quinquennat Macron n’est pas nul sur les questions LGBTQI+. Mais au-delà des retards dont aura souffert par exemple le principal dossier, à savoir l’ouverture de la PMA, ces cinq ans ont aussi été marqués par un flottement sur la ligne. Pour le dire en un mot comme en cent : proclamer un gouvernement allié des personnes LGBTQI+ ne consiste pas à y faire entrer des réactionnaires notoires en croisant les doigts pour qu’ils se taisent, et en envoyant au besoin leurs collègues plus progressistes éteindre l’incendie. Un gouvernement allié des LGBTQI+ est un gouvernement qui n’accepte pas en son sein d’hommes et de femmes politiques qui, à un moment crucial de leur carrière politique et pour la nation, quand ils ont été chargés en tant qu’élus du peuple de voter pour ou contre une loi d’égalité pour les personnes LGBTQI+, ont fait l’erreur indélébile de se battre du mauvais côté de l’histoire. Qui plus est, avec des arguments insultants et violents pour les personnes concernées, et leurs familles. Un gouvernement allié des personnes LGBTQI+, c’est un gouvernement entièrement composé d’allié·es des LGBTQI+. Nous ne sommes ni “ces gens-là”, ni une option.