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 d’ADHEOS

Injures répétées, rejet, coups ou attouchements. Pour les jeunes homosexuels, l’école peut être un véritable calvaire. Afin de lutter contre ce fléau, l’organisme Jer’s Vision, qui milite pour la diversité sexuelle en milieu scolaire, organise la conférence «Ose te démarquer» vendredi, à Ottawa.
 
À cette occasion, La Presse s’est penchée sur ce problème qu’est l’intimidation homophobe en milieu scolaire, sur ses conséquences et sur ceux qui la combattent.
 
Le 23 octobre 2009 est une date qui restera à jamais gravée dans la mémoire de Jérôme Tremblay. C’est à ce moment que l’adolescent, alors âgé de 15 ans, a fait sa sortie du placard auprès de ses amis. Ou du moins, ceux qu’il croyait être ses amis.
 
«Au début, tout allait bien, ils m’acceptaient, ou plutôt me toléraient. Puis, tout a dégénéré en paranoïa du genre: Ark! Je suis sûr que tu m’aimes… Ils ont fini par m’abandonner. L’un d’eux s’amusait même à me dire que je devais me tirer une balle chaque fois qu’il me voyait», raconte Jérôme.
 
En plus de subir de telles remarques, le garçon a déjà reçu des projectiles en pleine classe. Il lui est aussi arrivé de se faire pointer du doigt, «comme [s’il était] un animal de foire». «L’année dernière, heureusement, j’ai pu m’intégrer dans une nouvelle gang, beaucoup plus ouverte. Mais mon coming out a été une période très difficile», avoue le jeune homme.
 
L’histoire de Jérôme n’est pas un cas isolé. D’après une étude réalisée par Line Chamberland, titulaire de la Chaire de recherche sur l’homophobie de l’UQAM, trois élèves du secondaire sur quatre ont déjà été témoins d’actes homophobes. Par ailleurs, près de sept jeunes lesbiennes, gais, bisexuels ou en questionnement (LGBQ) sur dix ont été intimidés en raison de leur orientation sexuelle. Les incidents les plus fréquents ont trait aux insultes, à l’atteinte à la réputation, à l’exclusion, à la cyberintimidation, ainsi qu’à la violence physique et sexuelle.
 
Intimidation invisible
 
Au-delà des propos et des gestes, il existe une autre forme d’intimidation homophobe, beaucoup plus sournoise. «Lorsqu’ils perçoivent leur milieu comme étant hostile à la diversité sexuelle, les jeunes gais et lesbiennes comprennent rapidement qu’il vaut mieux pour eux de rester dans le placard. Or, ne pas pouvoir s’affirmer tel qu’on est, de crainte d’être harcelé, ça aussi, c’est de l’intimidation. Le problème, c’est que ça ne se voit pas», déplore Laurent McCutcheon, président de Gai Écoute.
 
Denis Bolland, 17 ans, fait partie de ces adolescents qui ont longtemps souffert en silence. Pendant huit ans, il a joué le jeu. «J’ai eu plein de blondes. Personne ne me posait de questions. Mais moi, j’étais profondément malheureux», raconte le garçon.
 
Si Denis a attendu si longtemps avant d’afficher son homosexualité, c’est parce qu’il a entendu beaucoup de commentaires négatifs à l’égard des gais et des lesbiennes. «J’étais terrorisé à l’idée de faire mon coming out. Puis je me suis dit que si je ne le faisais pas bientôt, je finirais par me suicider», confie-t-il.
 
Les craintes de Denis étaient partiellement fondées. Lorsqu’il a révélé sa véritable orientation sexuelle, en septembre dernier, des potins se sont mis à circuler à son sujet. «J’ai été la risée de certaines personnes. On m’a crié des insultes, on m’a pogné les fesses», détaille-t-il. Pourtant, le jeune homme n’a jamais dénoncé ses intimidateurs. «Je ne voulais pas passer pour un stool.»
 
Pas assez de modèles positifs
 
Malgré tout, Denis ne regrette pas d’avoir annoncé à ses amis qu’il était gai. Il espère que sa démarche aidera d’autres jeunes qui ont peur de vivre leur homosexualité au grand jour.
 
«Les adolescents gais manquent cruellement de modèles», reconnaît Robert Pilon, président du Groupe de recherche et d’intervention sociale (GRIS) de Montréal, un organisme voué à la démystification de l’homosexualité. Depuis plus de 20 ans, les bénévoles du GRIS sillonnent les écoles secondaires du Québec afin de partager leur propre expérience et de répondre aux questions des élèves. «Le fait de rencontrer des adultes épanouis qui ne ressentent pas de honte par rapport à leur orientation sexuelle a un impact très positif sur les jeunes gais et lesbiennes», affirme-t-il.
 
En dépit de tous ses efforts, l’équipe du GRIS n’arrive pas à intervenir dans toutes les écoles. D’où l’importance du soutien des intervenants scolaires. «C’est le rôle des enseignants d’éduquer leurs élèves à la diversité sexuelle», croit Michel Dorais, sociologue de la sexualité et professeur à l’Université Laval. «Le problème, c’est qu’ils ne sont pas formés pour ça.»
 
André Patry, membre du comité Diversité et identité LGBTA de l’Alliance des professeures et des professeurs de Montréal, est du même avis: «Tout le monde s’entend pour dire que l’intimidation homophobe est un problème, mais la majorité des gens ne sait ni l’identifier ni intervenir.»
 
L’AMIE DES GAIS
 
Fatine-Violette Sabiri a des points communs avec Xavier Dolan. Même style hipster. Même passion pour le cinéma. Mais surtout, même combat contre l’homophobie.
 
Née au Maroc, d’un père marocain et d’une mère québécoise, elle a passé les sept premières années de sa vie là-bas. «Ma mère avait plusieurs amis homosexuels. La majorité de mes propres amis sont gais. Je n’ai donc jamais pensé que l’homosexualité était quelque chose d’anormal ou d’immoral», dit-elle.
 
En vieillissant, pourtant, Fatine-Violette a compris que tous n’acceptaient pas aussi facilement cette réalité. «À l’école, j’entendais beaucoup de propos homophobes. Mon meilleur ami a lui-même été victime d’intimidation en raison de son orientation sexuelle. Il est resté très marqué par ça», indique l’adolescente de 17 ans.
 
L’année dernière, Fatine-Violette a donc décidé de s’attaquer à l’homophobie. Dans le cadre d’un projet scolaire, elle a demandé aux bénévoles du GRIS de venir s’adresser aux élèves de son établissement, l’école Joseph-François-Perrault de Montréal. Elle a aussi réalisé un documentaire sur l’homosexualité.
 
Intitulé Du pareil au même, son film met en scène une dizaine de gais et de lesbiennes et aborde différents sujets, comme la sortie du placard, la réaction de l’entourage ou les préjugés.
 
Une des séquences présente un jeune qui profite de la venue du GRIS pour révéler à ses camarades de classe qu’il est homosexuel.
 
Le documentaire de la jeune vidéaste a mérité le prix GRIS-Fondation Simple Plan, une bourse qui vise à récompenser l’initiative d’un élève ou d’un intervenant scolaire pour lutter contre l’homophobie. Fatine-Violette, qui étudie la photographie au Collège Dawson, ne sait pas encore ce que son ancienne école secondaire compte faire avec cet argent. «Ce qui est sûr, c’est qu’il faut continuer de parler de l’homosexualité. C’est l’unique solution pour éradiquer l’homophobie», affirme-t-elle.