M. Jean-Marie Burguburu
Président de la CNCDH
20 avenue de Ségur
75007 PARIS
Monsieur le Président de la CDCDH,
En tant qu’association luttant contre les discriminations dont sont l’objet les LGBT, nous voulons attirer votre attention sur le sort des personnes LGBT, notamment les jeunes majeurs moins de 30 ans, voire les mineurs LGBT qui doivent rester confinés dans leur famille, en raison de l’épidémie de Covid 19, alors que leurs parents n’acceptent pas leur orientation sexuelle ou identité de genre.
En restant chez eux, ils sont en butte au harcèlement de leurs parents qui leur reprochent leur orientation sexuelle ou identité de genre, voire leur imposent une thérapie de conversion en confinement. Cette pression peut être telle que les personnes LGBT, n’auront d’autre choix que de partir de chez eux plutôt que de continuer à vivre dans un milieu qui leur est foncièrement hostile ou alors ils devront subir des agressions permanentes et destructrices.
Il arrive aussi que ce soient les parents eux-mêmes qui les chassent de leur domicile et les personnes LGBT se trouvent, du jour au lendemain, dans la rue sans domicile ni ressources.
Ces situations sont douloureuses et aboutissent malheureusement à une telle désespérance que les personnes LGBT mettent trop souvent fin à leurs jours. Je vous rappelle que le taux de suicide chez les personnes LGBT est bien plus élevé que la moyenne de la population en raison de l’homophobie subie.
Les parlementaires ont été conscients de ces difficultés puisqu’une cinquantaine d’entre eux, soutenu par l’intégralité du Groupe La République en Marche, dont la députée LREM de la Manche, Mme Sonia Krimi, et le député LREM de Charente maritime, M. Raphaël Gérard, a écrit à Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations sur ce sujet.
ADHEOS, comme l’ensemble des associations LGBT en France, soutenons clairement la solution proposée par ces députés qui consiste dans le cadre de l’urgence liée au confinement actuel, mais aussi en portant une solution pérenne au-delà du confinement, à intégrer les personnes LGBT, notamment les jeunes LGBT, aux dispositifs pour les femmes victimes de violences.
Pour ADHEOS, comme pour ces députés, il y a URGENCE à immédiatement utiliser les indemnités d’hôtel avec une certaine souplesse (via les préfectures, en lien avec le délégué aux droits des femmes).
Mme Sonia Krimi et d’autres parlementaires ont donc déposé un amendement 453 au projet de loi de finances pour 2020. Ce texte appelait à renforcer "exceptionnellement la prise en charge et l’hébergement d’urgence des jeunes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres". La commission des finances ne l’a pas retenu et a rendu l’avis suivant : "Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.". Le Gouvernement a confirmé cet avis.
Suite au rejet du Gouvernement sur l’amendement pour accompagner les personnes LGBT en difficulté, nous tenons à vous faire part de notre sentiment.
Ce passage est un symbole violent de manque d’empathie vis-à-vis des victimes LGBT qu’on renvoie au placard. Le silence du rapporteur et du Gouvernement ne fait qu’exacerber le sentiment des personnes LGBT victimes de violence et de rejet intrafamilial de ne pas pouvoir sortir de situations dramatiques.
Il s’agit d’un sujet de préoccupation majeur de l’ensemble du groupe de la majorité parlementaire qui doit être pris au sérieux par le Gouvernement avec des réponses concrètes.
Aujourd’hui, il y a une urgence de répondre aux besoins des personnes LGBT et au constat déjà établi par la société civile comme ce qui a été fait dès le début du confinement aux victimes de violences conjugales. Au constat dramatique actuel, il faut également prendre en compte les spécificités des violences que peuvent vivre les LGBT.
Enfin, la position du Gouvernement va à l’encontre des recommandations – que nous approuvons – de la Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Mme Michelle Bachelet, qui déclarait « Pour les personnes LGBTI, le domicile peut ne pas être un endroit sûr. Étant donné les restrictions et les mesures de confinement, nous devons nous assurer qu’elles aient accès à un refuge et à un soutien en cette période de crise du Covid-19 ».
De plus, pour ADHEOS, le sort des mineurs LGBT devrait être examiné avec attention et, selon nous, dans leur globalité, en posant la question de l’autorité parentale.
En effet, nous vous signalons qu’ADHEOS est très sensible aux problèmes des personnes mineures car elle a été confrontée à des situations qu’elle ne pouvait résoudre parce que les mesures qu’elle aurait souhaitées prendre se heurtaient au principe de l’autorité parentale. Elle a donc vu, impuissante, des jeunes LGBT se détruire jusqu’au suicide alors qu’un éloignement, même temporaire, leur aurait permis de se reconstruire.
C’est, dans ce but, qu’elle a, d’ores et déjà, fait poser des questions écrites par des parlementaires afin de faire interdire en France les thérapies de conversion qui soi-disant aboutiraient à changer l’orientation sexuelle des personnes LGBT et dont les résultats sont désastreux sur ceux qui les subissent.
Une proposition de loi est en cours d’examen à l’initiative notamment de Mme Laurence Vanceneubrock-Mialon, députée LREM de l’Allier, également dépositaire de l’amendement 453. ADHEOS l’a rencontrée et a été auditionnée par la mission de l’Assemblée nationale sur les thérapies de conversion dont elle fait partie, ce qui nous a permis d’insister fortement sur la nécessité de soustraire les mineurs LGBT à l’autorité parentale lorsqu’elle menace leur intégrité physique et morale. Cette recommandation est d’autant plus primordiale dans le contexte actuel de confinement familial imposé. A nos yeux, l’amendement 453 déposé par Mme Sonia Krimi, visant à donner et à financer un lieu d’accueil à ces jeunes traumatisés, s’inscrit dans cette logique et fournit le complément matériel indispensable aux propositions que nous avons formulées devant la mission parlementaire et nous le soutenons fermement.
Vous comprendrez donc que nous insistions auprès de vous pour que notre Gouvernement prenne en compte le sort des personnes LGBT victimes et l’examine dans sa globalité par deux actions précises :
– en appuyant les travaux de la mission sur les thérapies de conversion et, en transformant rapidement en projet de loi la proposition de loi sur l’interdiction dans notre pays des thérapies de conversion actuellement en étude, conformément aux recommandations du Parlement européen. La situation des mineurs LGBT soumis à l’arbitraire autoritaire de leur famille doit absolument trouver une solution qui les protège et nous désirons vivement que la proposition de loi de Mme Vanceneubrock-Mialon soit soutenue par le Gouvernement.
– en revenant sur l’avis défavorable du Gouvernement émis sur l’amendement 453 précité, soutenu par l’intégralité du Groupe La République en Marche, et en intégrant de façon pérenne les personnes LGBT, notamment les jeunes LGBT, aux dispositifs pour les femmes victimes de violences. En tout état de cause, ces mesures doivent être prises en urgence, avant le déconfinement progressif prévu pour le lundi 11 mai 2020
Dans l’attente de votre réponse rapide à notre courrier, face à cette situation d’urgence, vous remerciant de votre compréhension et restant à votre disposition pour tous renseignements complémentaires, nous vous prions de croire, Monsieur le Président de la CNCDH, à notre très respectueuse considération.
Le Président, Frédéric HAY