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 d’ADHEOS

Le tribunal correctionnel de Marseille a condamné à cinq mois de prison avec sursis, mardi 29 septembre, une élue socialiste marseillaise qui, par convictions religieuses, avait refusé de marier un couple de femmes. Le parquet de Marseille estime qu’il s’agit de la première affaire de discrimination, alors que 17 500 mariages homosexuels ont été célébrés en France depuis la promulgation de la loi sur le mariage pour tous, le 17 mai 2013.
 
Le 14 août 2014, Sabrina Hout, adjointe déléguée à la famille de Samia Ghali, maire (PS) du 8e secteur de Marseille, avait utilisé une série de stratagèmes pour ne pas unir Claude et Hélène, deux femmes vivant ensemble depuis une douzaine d’années. Deux semaines avant ce mariage, elle avait demandé à un conseiller d’arrondissement non habilité à célébrer les mariages de la remplacer pour cette seule union. Mme Hout avait ensuite célébré les quatre autres mariages prévus ce jour-là à la mairie des 15e et 16e arrondissements.
 
Des raisons religieuses
 
L’élue avait quitté la salle des mariages avant l’arrivée de Claude et Hélène, l’une fonctionnaire de police, l’autre fonctionnaire territoriale, accompagnées de leurs familles, amis, collègues de travail et enfants. Mme Hout, élue pour la première fois en 2014, avait auparavant signé le registre et le livret de famille alors que la loi impose qu’elle recueille le consentement. Elle avait, par ailleurs, retiré le cavalier portant son nom pour placer devant le conseiller d’arrondissement celui d’un adjoint au maire, ajoutant : « Il est black comme toi. » Ce mariage avait dû être annulé par la justice et les épouses avaient été contraintes de se « remarier » le 14 février 2015.
 
Le conseiller d’arrondissement et deux fonctionnaires présents ce jour-là ont tous affirmé que Mme Hout, 39 ans, agent hospitalier, avait fait valoir ses convictions religieuses. « Elle était très excitée et tapait des pieds », dira même un officier d’état civil. L’élu qui l’avait remplacée avait été sollicité par Mme Hout car, dira-t-il, « elle ne pouvait pas pour des raisons religieuses célébrer un mariage entre homosexuels ». Selon les deux épouses, Samia Ghali aurait évoqué la pression des frères de l’élue.
 
« Une mascarade »
 
Une première procédure ouverte pour faux en écritures publiques s’était soldée le 18 novembre 2014 par un rappel à la loi du procureur de la République, Samia Ghali lui ayant retiré sa délégation à la famille.
 
Poursuivie sur citation directe délivrée par les deux épouses, Sabrina Hout a évoqué un « mauvais concours de circonstances », se défendant de tout sentiment homophobe. « J’étais indécise, avait expliqué l’élue au tribunal. Je suis pratiquante de l’islam, oui, c’est vrai. Mais je n’ai aucun problème avec les homosexuels. » Lors d’une réunion avec les élus, Sabrina Hout avait « émis des réserves. C’est nouveau, il faut que je réfléchisse », avait-elle déclaré à ses collègues.
 
Le président du tribunal Fabrice Castoldi a donné lecture du jugement, soulignant combien les témoignages étaient « accablants ». Sa « mise en scène, voire la mascarade, lui a permis d’échapper aux obligations légales impératives pesant sur elle, et sur elle seule, en sa qualité d’officier d’état civil ». Les juges pointent « non seulement la mauvaise foi de l’argumentaire proposé par Mme Hout mais aussi l’intention de discriminer le couple pour des raisons découlant de l’orientation sexuelle des futures conjointes ».

Un message « lancé à notre société tout entière »
 
Le tribunal s’est montré plus sévère que le ministère public qui avait requis trois mois de prison avec sursis et 1 500 euros d’amende. Il s’en explique :
 
« Il n’est pas indifférent que les agissements reprochés à Mme Hout se soient déroulés au sein d’une mairie, à l’occasion de l’application d’une loi nouvelle et à un moment-clé et particulièrement solennel de la vie d’un couple. Il est impératif qu’aucun citoyen, quels que soient notamment son âge, son handicap, sa race, ses opinions politiques et naturellement son orientation ou identité sexuelle, ne doute ou n’ait à douter de la neutralité du service public et de la loyauté républicaine des élus et fonctionnaires. »
 
Selon Me Alain Lhote, défenseur de l’élue, « celle-ci en tirera les enseignements pour la suite de sa carrière ». « Le tribunal, a-t-il ajouté, a lancé un message à notre société toute entière ». Mme Hout devra également verser 150 euros de dommages et intérêts aux associations SOS Homophobie et Mousse, ainsi que 1 200 euros à chacune des deux épouses en réparation de leur préjudice moral. Le 1er septembre, lors des débats, elles avaient expliqué leur ressentiment. « Nous vivons dans le 15e arrondissement [quartier pauvre de Marseille], au milieu d’une population de toutes les religions, de toutes les couleurs et nous n’avons jamais eu un regard, une remarque. Il a fallu qu’on aille en mairie pour avoir, pour la première fois, une difficulté. »