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 d’ADHEOS

 Il y a 10 ans, le 11 septembre 2001, près de 3000 personnes étaient tuées dans les attentats contre le World Trade Center. Parmi eux, des dizaines de gays et de lesbiennes. Depuis, les partenaires homos survivants ont dû se battre pour faire reconnaître leurs droits.
 
 Alors que les Etats-Unis commémorent aujourd’hui les attentats du 11 septembre, la communauté LGBT se souvient qu’elle a aussi payé un lourd tribut lors de ces attaques. Parmi les 2995 tués, des dizaines étaient gays et lesbiennes. Certains étaient dans les tours, d’autres dans les avions, d’autres encore parmi les pompiers et forces de sécurité qui ont laissé leur vie dans l’exercice de leur fonction.

 
 
Familles homos
Lorsque l’on raconte les tragédies des familles brisées ce 11 septembre 2001, on oublie souvent de parler des familles homos. Le site Angelfire.com raconte certaines de ces histoires. En un clin d’œil, peut-on lire, la petite famille de Ronald Gamboa et de Dan Brandhorst a été décimée: avec leur fils adoptif de 3 ans, ils étaient dans l’avion qui s’est écrasé sur la deuxième tour. Mais aussi John Keohane et Mike Lyons, en couple depuis 17 ans, qui se rendaient à leur travail, près du World Trade Center, lorsque les attentats ont eu lieu. Ils étaient encore dans la rue quand la première tour s’est effondrée. John Keohane a été tué par les gravats, Myke Lyons s’est suicidé le 1er mars 2002.
 
En revanche, les médias ont beaucoup parlé de Mark Bingham. Le jeune homme, mort à 31 ans, est considéré comme un héros. Il était en effet dans l’avion qui s’est écrasé en Pennsylvanie, celui qui devait a priori foncer sur le Capitole ou la Maison blanche, à Washington. Sa carrure, l’emplacement de son siège dans l’appareil, les témoignages de ceux qui le connaissaient: tout laisse entendre que Mark Bingham faisait partie de ceux qui s’en sont pris aux terroristes pour que l’appareil ne détruise pas un nouveau symbole américain et ne tue pas des dizaines d’autres innocents. Le New York Times s’est alors demandé s’il fallait parler du «héros homo» ou du «héros qui était homo». Interrogée sur ce point, Judy Wieder, du journal gay The Advocate – qui a d’ailleurs élu Mark Bingham «personnalité de l’année» 2001 – admet que la sexualité de Mark Bingham n’a pas d’importance. Mais justement, ajoute-t-elle: si les homos sont «comme tous les autres lorsqu’ils meurent, pourquoi, quand ils sont vivants, n’ont-ils pas les mêmes droits que les hétérosexuels?».
 
Faire reconnaître son couple, une nouvelle épreuve
Ce n’est pas une question rhétorique, car si ces attentats ont indifféremment détruit des familles hétérosexuelles et homosexuelles, les partenaires de même sexe ont dû surmonter un obstacle supplémentaire: ils devaient faire reconnaître leur couple. C’était là la condition pour faire le deuil de leur partenaire au grand jour mais aussi pour avoir droit aux compensations financières de l’Etat.
 
Le mariage gay n’existant nulle part aux Etats-Unis en 2001, aucun des partenaires survivants ne pouvait produire de document prouvant son lien avec la personne décédée. Certains ont préféré taire leur relation parce que les collègues, les amis ou la famille de la personne décédée ne connaissaient pas son orientation sexuelle. Les partenaires qui ont fait ce choix ont affronté leur tristesse dans l’ombre.
 
«Prouver qui nous étions»
D’autres ont voulu crier haut et fort que la personne qu’ils aimaient était morte, et qu’ils avaient le droit aux mêmes égards que les couples hétérosexuels. C’était pour eux une épreuve de plus, comme l’explique Tom Miller qui a perdu son compagnon, Seamus O’Neal: «Je n’ai pas eu le luxe de pouvoir faire mon deuil sans me défendre, prouver qui j’étais et qui nous étions».
 
Francis S. Coppola dont le partenaire Eddie, sapeur pompier, est mort le 11 septembre, a aussi été attristé par la manière dont les couples de même sexe ont été traités: «Je n’avais jamais été aussi fier d’être Américain ou New-Yorkais, mais en même temps j’étais profondément déçu car nous avons été traités comme des citoyens de seconde zone. (…) Je n’ai jamais été un militant, et je n’ai jamais voulu en être un, mais il était de temps de nous lever et de demander l’égalité».
 
De grandes avancées législatives
Certains partenaires éplorés se sont donc battus et ont obtenu plusieurs avancées significatives. En juillet 2002, le Mychal Judge Act (la loi Mychal Judge, du nom de l’aumônier des pompiers de New York, mort lui aussi dans les attentats) a été la première législation permettant aux survivants des couples de même sexe de recevoir les compensations de l’Etat. Il ne s’agissait alors que des partenaires de pompiers et officiers de police décédés dans l’exercice de leur fonction. Mais deux mois plus tard, une autre loi a été votée. La Workers’ Compensation Law (loi d’indemnisation des travailleurs) a permis à d’autres couples non mariés – homos ou hétéros – de recevoir les indemnisations que l’Etat versait déjà aux couples mariés.
 
Les homos dans l’armée américaine se réjouissent aussi de la plus récente abolition de la loi Don’t Ask Don’t Tell qui obligeait les militaires gays à ne pas révéler leur sexualité (lire article). Dans un article de The Advocate, la Capitaine Joan Darrah, aujourd’hui à la retraite après 29 ans passés dans l’armée, raconte ce qui aurait pu se passer si elle était morte quand un des avions s’est écrasé sur le Pentagone. «A 8h30 je suis entrée en réunion. A 9h30, j’en suis sortie. A 9h37, le vol 77 a détruit l’endroit même où j’étais quelques minutes auparavant, tuant plusieurs de mes collègues. Si j’avais été parmi eux, ma compagne, Lynn Kennedy aurait été l’une des dernières informées. Car en tant que lesbienne, (…) je vivais avec le fardeau quotidien du Don’t Ask Don’t Tell, et je faisais comme si Lynn n’existait pas ».
 
En dix ans, de nombreuses avancées ont permis à la plupart des couples homos de faire leur deuil au même titre que les couples hétéros. C’est une épreuve de moins à affronter dans ces moments difficiles. Ceux dont le lien familial a été reconnu – et ils sont les plus nombreux – pourront ainsi assister la tête haute aux commémorations officielles des attentats qui se tiennent aujourd’hui à New York.