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 d’ADHEOS

Adam est « un garçon né dans un corps de fille », comme il dit. Depuis deux ans, une procédure de changement de prénom est en cours. Le jeune homme de Savigny-L’Evescault raconte.
 
Adam a 20 ans. Il a longtemps souffert de dysphorie du genre, un sentiment d’inadéquation entre son sexe assigné et son identité de genre. Adam est née Soline. Sa transition est en cours. Sur son bras gauche, il a fait tatouer la date de sa première injection d’hormones, le 19 décembre 2019. Une renaissance. « J’ai mis longtemps à comprendre ce qui n’allait pas », raconte-t-il, désormais à l’aise dans ses baskets. Mais ça n’a pas toujours été le cas, loin de là. « C’était impossible pour moi de me projeter avec ce corps de fille », explique-t-il rétrospectivement.
 
« J’étais Soline en cours et Adam à la pause »
 
« On m’a longtemps considéré comme un garçon manqué, voulant faire des trucs de garçon. En classe de troisième, je suis sortie avec une fille. Je me suis dit que j’étais lesbienne… Mais ça n’allait toujours pas ». Adam ne cesse de pleurer. N’arrive plus à suivre les cours. « Il m’était parfois impossible de respirer ». C’est par une amie rencontrée en classe de seconde qu’il met un terme sur son mal-être. « Dysphorie du genre ». Il commence alors par se faire appeler So. « Comme une transition pour ne pas brusquer les gens qui m’entourent ».
Et puis, petit à petit, il choisit son prénom, ce sera Adam. Ses amis le nomment ainsi. « On change de prénom, d’accord, mais ce corps de fille, il est toujours là… » Pesant. Voire encombrant. À un âge où le corps change. « Et puis c’était encore moins facile. J’étais Soline en cours avec les profs et Adam à la pause avec les copains. »
Jusqu’au trop-plein. Ce qu’il nomme sans concession son « pétage de plombs ». « J’étais rendu à la limite. Vidé de tout. Avec un sentiment d’inutilité. J’ai tout cassé dans ma chambre. Avec l’envie de taper tout le monde. Même ma famille… » Pourtant, Marie et Gilles, les parents d’Adam, séparés, sont toujours très présents pour lui. « Je leur ai écrit une longue lettre pour leur expliquer ». Adam vit avec son père. Sa mère, Marie, a encouragé son fils dans son « parcours public de transition ». Adam est suivi par l’hôpital Foch à Paris, reconnu ALD (affection de longue durée). Psychiatre, endocrinologue… Les doses d’hormones. Toutes les deux semaines. « Je me pique désormais moi-même en intramusculaire ». Quand la mue arrive, c’est l’une des premières victoires. « Ça n’avance jamais assez vite », rigole Adam qui a guetté pendant quatre mois les inflexions plus graves de sa voix.
La prochaine étape ? « L’ablation de la poitrine, en juillet prochain, pendant mes congés. » Adam suit une formation en élagage depuis l’été dernier, en alternance. Il avait entamé un cursus en fac de sport « avec mon identité d’Adam, donc j’étais dans les vestiaires des garçons… C’était compliqué ». En haut des arbres, l’air est plus respirable. Adam reste sportif. « Je fais de l’escalade. Ma carte de licence est sous le nom d’Adam. »
 
Dans l’attente d’une décision de justice
 
Une petite joie dans le parcours du combattant. Malgré sa demande de changement de prénom officiel auprès de l’état civil – une procédure gratuite et censée être rapide – corroboré par plus d’une vingtaine de témoignages de proches essentiels pour le dossier, la procédure est au point mort. « L’état civil de la mairie de Poitiers a rejeté ma demande et a envoyé le dossier au procureur de la République ».
Depuis deux ans, Adam a dû débourser 1.500 euros pour des frais d’avocat. La procédure est toujours en cours. « Je suis dans l’attente d’une décision de justice et je ne comprends pas pourquoi… » Tout a été fait dans les règles, avec un certificat de l’hôpital… « C’est insensé. Ça fait maintenant un an que je suis sous testostérone. Ma transition est en cours. Tout le monde m’appelle Adam. Mes sœurs, mes parents, même mes grands-parents… » Seul l’état civil fait barrage à la renaissance d’Adam.
 
elles ont dit…
« Adam a fait preuve de malchance… »
 
Maître Marie-Laure Caliot est l’avocate qui suit le dossier de changement de prénom d’Adam. Trois mois après avoir déposé son dossier à la mairie de Poitiers en 2019, Adam a reçu une lettre stipulant : « Nous estimons que votre demande est susceptible de ne pas revêtir un intérêt légitime ». La demande a alors été transférée au procureur de la République.
Me Caliot explique : « Le parquet a refusé la demande. Nous avons alors fait un recours devant le juge des affaires familiales. Il semble qu’il y ait eu un raté au niveau du parquet car quand j’ai demandé la raison du refus, on m’a indiqué que le parquet était, en fait, d’accord pour accepter la demande. Le recours était enclenché… Il semble qu’Adam ait fait preuve de malchance par rapport à une personne. » L’audience de recours a eu lieu le 14 décembre dernier. Adam a reçu une lettre lui mentionnant qu’ « une décision lui serait rendue à partir du 1er février 2021 ». Son avocate indique : « Les affaires familiales ont beaucoup de retard dans le traitement des dossiers, d’où ce retard de réponse. » La réponse pourrait donc encore tarder à arriver…
Selon Elise Farine, avocate à Poitiers et auteure d’une thèse de droit privé et de philosophie du droit axée sur l’identité féminine : « Une demande de changement d’identité n’a pas à prendre en compte le changement de sexe ou la transition. Il faut statuer sur le prénom, uniquement le prénom. C’est donc étonnant que le prénom Adam, qui est tout ce qu’il y a de plus classique, ait posé problème… »

repères
 
La commission chargée de se positionner (le 1er mercredi de chaque mois) sur les demandes formulées est composée de trois personnes à ce jour : la responsable de l’état civil (Véronique Puisais par intérim), un agent officier de l’état civil (rotation) et le directeur Démarche de la vie quotidienne (DDVQ). Le changement de prénom est une compétence communale depuis 2016 afin, notamment, de désengorger les tribunaux.
Si l’officier d’état civil estime que la demande n’a pas d’intérêt légitime, il doit saisir le procureur de la République. Ce dernier peut accepter ou refuser la demande. Si le procureur de la République refuse, la décision est notifiée et il est possible de la contester auprès du juge aux affaires familiales (Jaf). C’est ce qu’a fait Adam.
Le service de l’état civil de Poitiers explique : « Classiquement, nous nous appuyons sur divers documents portant le prénom sollicité, par exemple des copies d’écran de publications de réseaux sociaux, des courriers reçus, etc., afin de démontrer l’usage prolongé du prénom. En l’espèce, en dépit de plusieurs témoignages, Soline n’a produit qu’un seul document établi avec le prénom Adam, par ailleurs écrit de sa main. Il faut prouver que le prénom demandé fait partie intégrante de la vie sociale de la personne. Le dossier n’a pas semblé suffisamment étayé et, selon la procédure, nous avions transmis cette demande au Procureur pour décision. »
À noter, depuis mars 2017 : 177 demandes ont été déposées à l’état civil de la Ville de Poitiers et 150 ont été accordées ; les 27 refusées (15,25 %) sont le fait du Procureur, seul habilité à porter un refus.