NEWS
Les actualités
 d’ADHEOS

La lettre de Michaël François qui a porté plainte pour insulte homophobe.  
Voilà, c’est fait. À 36 ans, je viens de déposer ma première plainte pour insulte homophobe, comme la Loi nous l’y autorise tous depuis 2007. Non pas une plainte contre X, ou contre un groupe de « jeunes ». Non non, contre un collègue du Conseil communal de la ville de Bruxelles. Député bruxellois de surcroît. Un élu du Peuple qui pense que son « PD ! » restera sans suites. En 2014. À 36 ans, vous vous rendez compte ? Et vous savez quoi ? Ça fait mal.
 
On va me dire que « ce n’est pas si grave », « il a dit cela sous le coup de la colère », « ça lui a échappé »… Très bien. Je n’ai personnellement rien contre ce Monsieur. J’avoue même m’être dit cela aussi hier soir. Peut-être ne devrais-tu pas en faire tout un foin, Michael. Et c’est là que tout est devenu clair. Imaginer que je me censure consciemment, « parce qu’il n’y a pas mort d’homme » ou parce que « ça va me causer des ennuis », et bien cela m’a fait froid dans le dos. Notre société en est-elle arrivée là ? Et bien, pour moi, il ne faut rien laisser passer. Le combat se mène tous les jours, sur son lieu de travail, au sein de sa famille ou dans son cercle d’amis. Car un « PD ! » lancé comme cela, d’une manière insultante et dénigrante, est toujours synonyme d’une homophobie latente. Et cela m’interpelle d’autant plus qu’il s’agit ici d’un homme politique expérimenté.
 
Je ne vais pas m’attarder sur ce personnage. Je préfère profiter de son dérapage pour montrer comment le rejet de l’autre peut s’insinuer dans des commentaires ou des petites phrases de prime abord inoffensives. La peur de se faire traiter de « PD » si on prend son petit copain par la main en rue. La crainte de se faire tabasser en sortant d’un bar « d’anormaux ». Sous prétexte que le cadre législatif criminalise l’homophobie, on s’est autorisé, nous tous, un petit relâchement. Car, finalement, en Belgique « on n’est pas si mal ». Si on compare notre situation à celle des homosexuels ougandais, iraniens, serbes, en effet. Mais est-ce une excuse au renoncement ? Excuser l’inexcusable car « y’a pire ailleurs » ? NON. Car ils en profiteront, ces enfants de la « Manif pour Tous », pour dégueuler leurs arguments et faire rentrer dans la tête de certains leurs idées.
 
Je pense surtout aux jeunes filles et aux jeunes garçons qui se découvrent homosexuels. Certains d’entre eux préféreront en finir avec la vie plutôt que d’affronter une société où ils ne se reconnaissent pas. Et cela se passe bien chez nous. En 2014. Préférer en finir que d’entendre du « sale gouine », « petit PD » dans la cour de récré ou dans les gradins d’un stade de foot. D’entendre que lorsque tu ne fais pas de sport, tu dois sans doute être « une tapette ». De se faire foutre à la porte de chez soi parce que tes parents te rejettent et ont honte. Non, Monsieur Mampaka, vos propos ne sont pas anodins, ni ne doivent être excusés par une colère passagère. Ils peuvent faire autant de dégâts dans la tête de ces jeunes. Car vous, qui plus est, vous devriez être un exemple en tant qu’homme politique.
 
Et ne me dites pas que j’utilise cet incident pour ma carrière. Je ne suis pas un homme politique professionnel, moi. Au contraire de vous. Mon travail, celui qui paie mon loyer, il se fait justement dans une association qui se bat contre le VIH/Sida et l’homophobie. Et quand je prends la parole devant des jeunes pour leur dire qu’il ne faut jamais rien passer car on a très vite fait de remettre en question ce que l’on croit acquis, je ne peux pas, Monsieur Mampaka, rester moi-même sans réagir. Non pas à des fins politiques – comme vous l’insinuerez certainement – mais pour éviter que demain, par exemple, sous le coup de la colère, un individu ne vous traître de sale nègre. Car la parole homophobe, comme xénophobe ou sexiste ou anti-sémite, a tendance à s’assumer. Se décomplexe. Et c’est à ce moment-là que la vigilance de tous doit être de mise, en particulier des femmes et hommes politiques.
 
Je ne veux pas répondre aux journalistes. Je ne veux pas être un instrument. Je ne veux pas non plus rentrer dans votre schéma délirant, Monsieur Mmapaka. Je veux juste que l’on sache que rien n’est jamais définitivement acquis. JAMAIS.